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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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informées à temps de ce complot, prirent des
mesures propres à le faire échouer. Quand les énergumènes se présentèrent en
ville, la population les accueillit les armes à la main, tandis que la milice
protégeait le palais du gouvernement, rapporta Fontsalte.
    — C’est néanmoins une affaire très grave, car on a
découvert que ce complot devait allumer une véritable guerre civile dans le
Tessin et que Blanqui, le révolutionnaire récemment arrêté à Paris, était en
relation avec les carbonari et les meneurs tessinois. D’autres anarchistes l’attendaient,
dit-on, dans le Valais, où ils auraient, à l’instigation du Français, suscité
des émeutes en espérant les étendre à toute la Suisse, précisa Ribeyre.
    — Blanqui est loin et en prison mais d’autres
agitateurs sont ici. Je pense à ces Allemands du Deutscher Bildungsverein
junger Handwerker, organisation basée à Lausanne mais qui dispose de relais à
Vevey, Yverdon, Morges, Nyon, Aigle et ailleurs. Ces étrangers, socialistes ou
communistes, sont des amis du vieux Buonarroti, tels Auguste Becker, Georges
Kehrwand, négociant, et Monnier, le pharmacien de Nyon qui, en 1834, encouragea
les Polonais à passer en Savoie, ajouta le général Fontsalte.
    — À Vevey, nous avons aussi notre agitateur
professionnel, un Allemand, Wilhelm Weitling. Il incite les ouvriers à exiger
une retraite, réclame la création d’un impôt sur la fortune, comme à Genève, et
aussi la transformation des maisons de cure en ateliers cantonaux, précisa Axel,
informé par Samuel Fornaz.
    — Tous ces gens constituent, en fait, l’aile marchante
des radicaux conduits par Druey, constata Blaise.
    Martin Chantenoz qui, depuis un instant, polissait ses
verres de lunettes, intervint.
    — Vous rendez-vous compte qu’au cours des vingt
dernières années le monde a plus changé qu’en trois siècles ? dit-il.
    Un silence respectueux invita le professeur à poursuivre.
    — D’abord, l’avancement prodigieux des sciences, qui
nous réserve la surprise d’applications inattendues. Prenez la machine à vapeur,
qui meut maintenant les trains et les navires : elle n’en est qu’à ses
balbutiements. Déjà, elle a réduit considérablement la durée des voyages et, l’espace
étant lié au temps, elle a, dans l’absolu, raccourci les distances. Elle
diminue aussi la peine des hommes qui travaillent à bras, ce qui ne va pas sans
chômage et colère chez les ouvriers. La mécanisation de l’industrie textile et,
même, de l’horlogerie genevoise, a déjà des conséquences perverses. Quand, en
1832, les tisserands zurichois incendièrent l’usine d’Uster, première filature
équipée de métiers mécaniques, qui comprit l’avertissement ? Et puis, verba
volant va devenir la devise du télégraphe. Depuis que les savants Ampère et
Arago ont mis au point ce qu’ils nomment l’électroaimant, le télégraphe électrique
est prêt à fonctionner. Dans quelque temps, il remplacera le télégraphe optique
et les nouvelles voleront instantanément de ville en ville. Une révolution à
Paris sera connue dans l’heure à Lausanne, avant que le gouvernement ait eu le
temps d’en prévoir les répercussions. Croyez-moi, nous allons vers une sorte d’asservissement
des forces naturelles qui, domptées et disciplinées, transformeront les
conditions de vie des hommes et la société tout entière, dit Martin.
    — Vous croyez sincèrement à de tels changements ? demanda
M me  Laviron.
    — Nous sommes à la veille de grands bouleversements, madame.
Sans faire appel à la Pythie, on peut aussi prévoir de nouveaux conflits entre les
peuples européens, car les nationalismes qui ont abattu Napoléon vont
maintenant s’opposer et se combattre. Et cela d’autant plus que les rivalités
commerciales vont, du fait de la facilité des communications, s’exacerber. Et n’oublions
pas que les sciences, qui devraient n’apporter que bien-être à l’humanité, fourniront,
aussi, des armes nouvelles, plus meurtrières sans doute que celles que nous
connaissons. La sagesse décroît quand la puissance augmente, commenta Chantenoz.
    — La philosophie n’est-elle plus la mère de toutes les
sciences comme vous me l’avez enseigné ? demanda Axel, persifleur.
    — Mon garçon – le professeur usait souvent de ce
vocable comme au temps où Axel était son élève –, le XIX e  siècle est, certes l’héritier
des Lumières, mais c’est un

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