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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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mélancolique, j’ai craint une nouvelle rebuffade si… Enfin, je prends votre
présence comme un pardon.
    — Oh, un pardon ! À Yverdon, j’ai été sotte comme
une oie blanche, voulez-vous dire. Embrassez-moi, souffla-t-elle brusquement en
offrant ses lèvres.
    Toute histoire d’amour commence par un baiser et quand Axel
arrêta son cheval sous les frondaisons printanières, il sut qu’il trouverait, chez
Marthe, ce qu’il attendait d’une maîtresse douce et caressante.
    Au mépris de toute prudence et sans qu’elle y trouvât à
redire, il mit son cheval au trot et, par des chemins cahoteux mais détournés, le
cabriolet descendit vers Ouchy. Il évita le port, les abords du château, l’hôtel
de l'Ancre, le débarcadère, lieux fréquentés par les promeneurs et les
touristes.
    Après un temps de trot rapide sur la route côtière, c’est au
pas qu’il engagea le cabriolet sous une voûte de verdure ombrant un chemin
creux.
    — C’est là ma maison, dit-il bientôt en désignant, sous
les arbres, au bord d’une rivière murmurante, le vieux moulin qui n’avait
jamais abrité que des amours secrètes et des proscrits.
    — Comment l’appelez-vous ?
    — Le moulin sur la Vuachère, Marthe. Personne n’y vient
jamais et je suis seul à en posséder la clef, que voici, dit-il en la lui
tendant.
    Elle apprécia ce geste, qui contenait une promesse de durée.
    La serrure grinça très fort, bruit qu’interpréta Axel comme
un avertissement, à la fois cri d’alarme et mise en garde, au seuil du havre
des adultères. Mais le désir qui le tenaillait, l’envie qu’il avait de posséder
cette femme attrayante et épanouie, dont les premiers baisers révélaient l’abandon
et la riche sensualité, fit qu’il prit Marthe dans ses bras, pour lui faire franchir
le seuil comme une épousée. Il la déposa sur le grand lit où, depuis sa
grand-tante Mathilde Rudmeyer, tant d’amants clandestins s’étaient grisés.
    Ils s’aimèrent jusqu’au crépuscule, jusqu’à ce que Marthe
avoue, heureuse et à l’aise dans sa nudité vénusienne, « la tête me tourne ».
Il la reconduisit à la Riponne, après qu’ils fussent convenus de se retrouver
au moulin, le jeudi suivant.
    — Gardez la clé, dit-il, au moment de la séparation.
    — Pourrais-je aller mettre un peu d’ordre, discrètement
dans la semaine, et porter quelques provisions ? demanda-t-elle.
    Il acquiesça, sachant qu’une maîtresse se plaît à donner au
lieu de rendez-vous un cachet conjugal.
    En trottant vers Beauregard, où il s’était annoncé pour le
dîner, M. Métaz, le corps satisfait et l’esprit délié, se sentait à l’aise
dans son rôle d’amant d’une belle veuve rousse faite pour partager, avec la
simplicité des êtres sains, toutes les voluptés, en n’y mêlant pas plus de
sentiment qu’il ne souhaitait.
    — Trévotte a rapporté du marché de la Palud deux ombles
chevaliers qu’il a cuits au meursault et il y a une tourte au fromage, comme tu
aimes, en entrée, annonça Charlotte en accueillant son fils.
    — Parfait, mère. J’ai une faim de loup !
    — Comment vont les affaires des vapeurs ? demanda Blaise.
    Il croyait que son fils sortait d’une réunion d’actionnaires.
Axel se garda de le détromper.
    — Depuis que nous avons doté le Léman II d’une
coque de fer, il y a deux ans, ce qui l’a allégé, et que la puissance de sa
machine est passée de soixante à septante-six chevaux, ce qui nous a tout de
même coûté deux cent huit mille francs de France, l’ Helvétie a été
construit par les Genevois. Il sera lancé le 27 mai prochain et entrera en
service en août. Ce sera le plus grand et le plus beau bateau qu’on ait vu sur
le Léman. Sa carène effilée, de quarante-huit mètres de long, offre une
silhouette superbe. Ce sera aussi le plus rapide. Avec ses tubes bouilleurs et
sa machine à cylindres oscillants, qui développe cent vingt chevaux, il battra
aisément l’ Aigle et le Léman II, car il transportera huit
cents passagers à vingt-trois kilomètres a l’heure !
    — Diable, quelle concurrence ! s’exclama le général
qui possédait quelques actions de la Société du Léman II, déjà
endettée de plus de quatre-vingt mille francs !
    — Hélas ! D’ailleurs M. Vincent Perdonnet
nous a bien prévenus dans sa Notice sur les bateaux à vapeur du lac Léman qu’il vient de publier. « Tandis que l’ Helvétie fera recette l’

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