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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Aigle et le Léman vont tenir la chandelle [142]  »,
voilà ce qu’il a écrit, cita Axel.
    — Et alors ? interrogea Blaise.
    — La sagesse commande de s’entendre entre Aigle et Léman pour contrer Helvétie. Nous avons donc préparé un pacte et
la société de l’ Aigle va, l’hiver prochain, au chantier de Genthod, faire
habiller le bateau d’une coque en fer très effilée. On fera venir des
chaudronniers d’Angleterre. Si tout va bien, l’ Aigle marchera, lui aussi,
à vingt-trois kilomètres à l’heure [143] . En attendant, peut-être,
de n’en faire plus qu’une, les deux sociétés se sont entendues pour baisser les
tarifs et pour accélérer, aux arrêts, les opérations de radelage.
    — Ce transbordement par mauvais temps est une épreuve
pour les passagers, surtout pour les passagères, que le vent trousse et
décoiffe. C’est même une opération dangereuse, surtout quand, le bateau ayant
pris du retard, les radeleurs ont vidé force bouteilles pour faire passer le
temps ! observa Charlotte.
    — Le mieux, bien sûr, serait de construire de grands
pontons permettant aux bateaux d’accoster, pour débarquer et embarquer directement
leurs passagers à partir de la terre ferme, comme cela se fait aux appontements
du Molard, à Genève. Mais ces constructions coûtent cher et les communes ne
perdent pas une occasion de percevoir des droits nouveaux, dit Axel.
    — Tout cela te donne bien du souci, mon petit, compatit
M me  de Fontsalte.
    — Oui. Et surtout, cela va m’obliger à venir, presque
chaque semaine, à Ouchy, où se tiendront réunions sur réunions, tant que nous n’aurons
pas obtenu la fusion des sociétés du Léman et de l’ Aigle en une
seule, pour faire pièce à la compagnie de l’ Helvétie, dit Axel, prévoyant
ses futures rencontres avec M me  Bovey.
    — Tu n’auras qu’à t’installer ici. Tu es toujours le
bienvenu, tu sais, proposa Charlotte.
    — On ne sait jamais longtemps à l’avance le jour et l’heure
de ces réunions, ni surtout leur durée. Aussi irai-je plutôt loger au moulin, répondit
Axel, établissant un alibi libératoire.
    Il quitta Beauregard à dix heures de la nuit, pour rentrer à
Vevey. Il eût renoncé à regagner Rive-Reine si la lune, jaune et bien ronde
dans un ciel sans nuages, n’avait éclairé sa route. Rassuré par les fortes lanternes
du cabriolet, Icare, le jeune anglo-arabe, successeur du vieux Ténèbre, mis à
la retraite dans les prés d’Hauteville, eût, même sans lune, conduit à bon port
son maître. Axel connaissait chaque toise d’un chemin cent fois parcouru. Les
quatre lieues qui séparaient Lausanne de Vevey se franchissaient plus aisément
depuis l’élargissement d’une route qui, tantôt agrippée au flanc des collines, serpentait
d’un vignoble à l’autre, tantôt, festonnant comme un ivrogne au bord du lac, épousait
le contour des criques. Le plus mauvais passage, mais aussi la partie de la
route qui offrait la plus belle vue sur le lac, restait le franchissement du village
perché de Saint-Saphorin. À partir de la crique où les garnements venaient, l’été,
se baigner sans caleçon, ce qu’interdisaient les règlements communaux, la route,
subitement rétrécie, remontait jusqu’à l’église, juchée sur son promontoire, puis
redescendait vers Vevey par l’ancienne voie romaine, restaurée au Moyen Âge, qui
se glissait sous deux voûtes gothiques, avant de dévaler, en lacets, vers le
lac.
    Ce fut sous la seconde voûte que surgit soudain, face au
cabriolet et sans qu’Axel l’eût entendue venir, une voiture aux lanternes
voilées, tirée par deux chevaux noirs. Le cocher, un être immense, couvert, bien
que la nuit d’avril fût d’une agréable tiédeur, d’une houppelande de bure et
encapuchonné comme un frileux, retint son attelage en même temps qu’Axel tirait
sur les rênes pour arrêter son cheval. Sans un mot, le cocher éleva les guides
et ses chevaux reculèrent avec un tel ensemble qu’on les eût pris pour
mécaniques. Le passage étant ainsi dégagé, Axel s’y engagea plus vite qu’il n’eût
voulu car son cheval, oreilles rabattues, signe de frayeur, s’élança sur la
pente avec un hennissement courroucé. Mais au passage, la vive lueur de la
lanterne de son cabriolet révéla au Vaudois, derrière la vitre du coupé arrêté
dans l’ombre, le visage d’une femme, voilée comme une musulmane. En un éclair, il
croisa un regard fixe et intense,

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