Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
Gleizette
avait vu, de la fenêtre de la gendarmerie à la Coulouvrenière, la lavandière
qui manquait à l’appel portée par le Rhône. Il s’était aussitôt jeté à l’eau
mais n’avait pu, en dépit de ses efforts, la rejoindre, tant le courant était
rapide et les remous contraires. Le corps de la malheureuse fut retrouvé le
lendemain, 15 septembre 1844, au moulin de Cartigny, où le fleuve l’avait
porté. Elle laissait deux orphelines.
     
    Dès l’été avait repris l’effervescence politico-religieuse
déclenchée par l’affaire des couvents d’Argovie. Ce différend, que la Diète
fédérale ne savait comment apaiser, empoisonnait depuis longtemps les relations
confédérales en exacerbant les rivalités entre les cantons dits régénérés et
les autres. La querelle religieuse n’était plus qu’un écran dissimulant l’agressivité
des radicaux, désireux d’imposer, partout, une démocratie de leur fabrication, face
à la résistance des conservateurs attachés à un système d’essence aristocratique
et à des valeurs traditionnelles, seuls capables, d’après eux, de faire à la
fois le bonheur du peuple et le salut des âmes.
    Déjà, au printemps précédent, les deux partis s’étaient
violemment opposés, dans le Valais, au cours d’une brève mais meurtrière guerre
civile. Ce n’était pas la première.
    En 1839 le bas Valais, entreprenant, actif, dont les
habitants jouissaient d’un bon niveau d’instruction, avait rejeté la tutelle
majoritaire du haut Valais, paysan, rustique et traditionaliste, en optant pour
la division du Valais en deux demi-cantons, à l’exemple de Bâle et d’Appenzell.
La Diète fédérale avait alors exigé la réunification, mais les deux gouvernements
demi-cantonaux, ne pouvant se mettre d’accord sur une nouvelle Constitution
préparée par des délégués fédéraux, hauts Valaisans et bas Valaisans s’étaient
affrontés les armes à la main. Les paysans du haut battus, le canton avait été
réunifié en 1840.
    L’année suivante, les radicaux du bas Valais, qui se
réclamaient de Jeune Suisse, s’étaient emparés du pouvoir cantonal, par un coup
de main audacieux qui avait surpris tout le monde. Depuis 1841, un gouvernement
provisoire tentait de mettre au point une nouvelle Constitution. Le fait que
celle-ci dût comporter la création d’un tribunal central, apte à juger « les
affaires criminelles et de presse », avait bientôt donné à penser aux
Valaisans que les radicaux et leur aile marchante, Jeune Suisse, semblaient redouter
la liberté accordée aux journaux d’informer, comme bon leur semblait, les
citoyens. On avait commencé à douter de la sincérité de ces démocrates, et les
élections au suffrage universel avaient rendu la majorité aux conservateurs. Les
agitateurs de Jeune Suisse, refusant le suffrage des urnes et le gouvernement
légalement élu, suscitaient des troubles que le Directoire fédéral, Berne et
Vaud, se gardèrent de condamner, la sympathie des radicaux allant plutôt aux
trublions qu’aux autorités légitimes.
    Au mois de mai 1844, espérant renouveler leur exploit
de 1841, les militants de Jeune Suisse s’étaient armés et retranchés dans la
partie basse du canton, où ils comptaient le plus d’électeurs, terrorisant ceux
qui s’opposaient à leur action, incendiant et commettant de stupides exactions.
Les paysans du haut Valais avaient vu dans la réduction de cette nouvelle
dissidence une occasion de reprendre en main les destinées du canton. Ils s’étaient
armés à leur tour et, sous les ordres du colonel Kalbermatten, étaient
descendus de leurs montagnes, du Val-d’Illiers, de Verrosaz et de Salvan, pour
châtier les rebelles et montrer aux bas Valaisans qu’à défaut d’instruction ils
possédaient des muscles et du courage. Attaqués à Ardon, repoussés sur Riddes, puis
dans le défilé du Trient, les insurgés avaient été battus le 22 mai, laissant
neuf morts sur le terrain et plus de cent cinquante prisonniers aux mains des
troupes du haut Valais, auxquelles s’étaient joints des bas Valaisans, décidés
à couper la retraite aux membres encore combatifs de Jeune Suisse.
    Le 23 mai, les troupes de Kalbermatten étaient entrées
à Saint-Maurice, le 24, elles avaient occupé, sans coup férir, Monthey,
Vouvry et Saint-Gingolph. Le 27 mai, la Patrie, gazette suisse, démocratique
et sociale, journal veveysan, avaient reconnu, tout en renversant les

Weitere Kostenlose Bücher