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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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du curé de Genève, puis, le 15 juin, avait décidé l’expulsion
du prêtre. Réfugié à l’évêché de Fribourg, l’abbé Marilley, qui avait reçu l’institution
canonique de son évêque, administrait sa paroisse genevoise à distance, par l’intermédiaire
d’un vicaire.
    — Malgré les interventions du nonce et de l’ambassadeur
de Sardaigne et, surtout, les protestations des catholiques genevois, les autorités
ne cèdent pas et M gr  Yenni refuse de désigner un autre prêtre
pour succéder à Vuarin. Cela fait très mauvais effet, reconnut M me  Laviron.
    — Et vaudra peut-être quelques déboires électoraux aux
conservateurs. Nous avions bien besoin de ça ! Les catholiques sont déjà très
montés, et avec juste raison, contre l’Union protestante [174] dont le but
avoué est de combattre le papisme par tous les moyens, y compris les plus
douteux, reconnut Pierre-Antoine.
    Axel Métaz ignorait à peu près tout de la société à laquelle
le banquier venait de faire allusion. Alexandra, dont les sentiments religieux
étaient des plus tièdes et qui suivait les offices pour ne pas déplaire à ses
parents adoptifs, fut enchantée de pouvoir stigmatiser le sectarisme de
certains protestants.
    On commençait à évaluer l’influence de cette Union protestante,
société secrète fondée en 1842. Elle s’était dévoilée en invitant ses membres à
se rendre à la cathédrale Saint-Pierre, le 11 décembre 1843, pour assister
à un service d’action de grâces en mémoire d’un événement vieux de deux cent
vingt-cinq ans : la résistance victorieuse des Genevois aux troupes du duc
de Savoie. Cette fête de l’Escalade [175] , commémoration
patriotique tombée en désuétude, avait été ressuscitée sous forme d’une grande
manifestation anticatholique. Si l’Union protestante était, à cette occasion, sortie
de la clandestinité, le bon peuple ignorait toujours les noms de ses dirigeants.
On savait seulement, par une brochure de M. Louis Rilliet de Constant, protestant,
ancien du mouvement du Trois-Mars et libéral convaincu, qu’il s’agissait « d’une
association occulte, composée de sections, dirigée par un comité central. Chaque
section est de huit personnes au moins, et de quinze, au plus. Ces personnes se
connaissent entre elles mais ne connaissent ni le nombre des sections ni leur
composition, c’est-à-dire que les sociétaires n’ont aucun moyen de savoir avec
qui ils sont et combien ils sont. À la tête de cet ensemble mystérieux est un comité,
plus mystérieux encore, il est interdit de révéler les noms de ceux qui le composent ;
il se renouvelle fréquemment, dit-on, mais un profond secret est imposé sur ces
mutations [176]  ».
    Pierre-Antoine Laviron, qui avait vainement sollicité l’adhésion,
savait que l’idée de cette croisade était d’un pharmacien, François Bruno, et
que le comité central de l’Union, créée au cours d’une réunion qui avait
rassemblé quarante-deux personnes chez un certain Chenaud, épicier aux
Eaux-Vives, était présidé par le pasteur Jacques Martin. On disait que l’avocat
Paul-Élisée Lullin, membre du Conseil représentatif, et Théodore Maunoir
faisaient partie des membres influents. L’Union avait pour but essentiel de
maintenir, à Genève, la prédominance de la religion réformée en régénérant le
protestantisme, en freinant par tous les moyens l’immigration catholique. Les
statistiques démontraient, en effet, les progrès continus du catholicisme dans
la cité de Calvin. Genève, qui comptait en 1822, 38,7 % de catholiques, avait
vu ce chiffre passer à 42,7 % en 1837. Le recensement de 1842 révélait qu’en
cinq années la communauté catholique s’était encore augmentée de deux mille
quatre cent quatre-vingts fidèles, alors que la communauté protestante n’en
avait recruté que sept cent vingt. En cette année 1844, la République contenait
près de 45 % de papistes !
    — Si la progression se poursuit, les protestants seront
en minorité avant la fin du siècle, diagnostiqua Alexandra.
    Pour lutter contre le catholicisme, l’Union protestante
entendait purifier les mœurs des protestants, interdire la consommation d’alcool,
lutter contre ce que bon nombre de Genevois considéraient comme un « envahissement
concerté, dirigé par des forces étrangères ».
    Les sectionnaires n’hésitaient pas à calomnier les catholiques,
présentés comme des voleurs d’enfants,

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