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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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les réactions de son
épouse catholique quand l’Église romaine et son clergé souffraient d’exactions
ou d’ostracisme de la part des protestants, qu’ils fussent radicaux ou conservateurs.
    Depuis la mort de son mari, Flora, pratiquante réservée, était
devenue militante vindicative. Avec Tignasse et Charlotte, elle formait
maintenant un trio prêt à la dispute avec quiconque osait attaquer les prêtres,
les évêques, le pape, l’administration vaticane.
    — Mais enfin, dit M me  de Fontsalte
à son fils, de passage à Beauregard, que reproche-t-on aux pères jésuites ?
J’aimerais assez savoir pourquoi ces religieux, généralement érudits et pauvres,
si bons éducateurs de la jeunesse, sont haïs par les radicaux anticléricaux
plus que les autres ecclésiastiques.
    Blaise intervint en se saisissant du journal la Patrie, posé
sur le guéridon.
    — Oh ! les Argoviens sont assez explicites. Voici
ce que l’un d’eux, M. Augustin Keller, un député catholique de l’État d’Argovie,
a dit devant la Diète fédérale, le 20 août. Attention, je ne dis pas qu’il
a raison ni même qu’il est honnête ni même qu’il est un vrai catholique, s’empressa
d’ajouter le général, pour prévenir les réactions de son épouse et des amies
présentes.
    Ayant chaussé ses lunettes, Blaise se mit à lire :
    — « Nulle part, le jésuitisme n’a respecté la paix
confessionnelle. Là où des frères vivaient en paix, il a voulu la guerre. C’est
dans les républiques surtout qu’il est dangereux, à cause de l’absolutisme qu’il
prêche et met en pratique. Il ne veut personne au-dessus de lui. Les révérends
pères ont avancé ce que personne n’ose avancer, et nié ce que personne n’ose
nier ; avec le probabilisme ils ont tout justifié et leur directio
intentionis et leur reservatio mentalis ont tout permis, ont tué le
remords, la conscience. Ils ont érigé en principe le mensonge et l’équivoque. Comment
une république pourrait-elle subsister avec de pareils principes, lorsque l’essence
de la vie républicaine gît dans la confiance et l’amour, la tolérance, la
fidélité, le respect de la foi jurée ? » Et ce monsieur a conclu, ajouta
Blaise, allant au bout du compte rendu : « Si l’on n’éloigne pas les
jésuites, la patrie marche à grands pas sous le rapport religieux, moral et politique,
au-devant du dernier jour de sa destinée. » Voilà ce que les Argoviens
pensent des membres de la Compagnie de Jésus, conclut le général en repliant le
journal.
    — Stupide ! s’écria Charlotte.
    — Diffamatoire ! constata Tignasse.
    — Ce Keller est un faux catholique, un homme de paille
des radicaux ! C’est lui qui a demandé, autrefois, la suppression des
couvents en Argovie, comme il exige maintenant l’expulsion des jésuites, fulmina
Flora.
    — Je vais demander à l’évêque de l’excommunier, reprit
Charlotte.
    — C’est cela ! Nous allons recueillir les
signatures des catholiques du canton et nous le ferons excommunier, confirma
Tignasse.
    Quelques jours avant le commencement des vendanges, M me  de Fontsalte
et ses amies, dûment prévenues par leur curé, se rendirent à Fribourg pour
assister à la signature entre le provincial des jésuites, le père Gaspard
Rothenfluh, et les représentants lucernois de la convention qui confiait aux
religieux la direction du séminaire de Lucerne, leur déléguait des fonctions
primordiales dans l’enseignement secondaire et les autorisait à exercer leur
apostolat en ville.
    Lors du ressat, invités des Métaz et vendangeurs ne
manquèrent pas d’évoquer les dangers que faisait courir à l’unité de la
Confédération la querelle qui se développait et que semblaient entretenir à
plaisir les feuilles des deux partis. Le pasteur Duloy venait de fêter son
quatre-vingtième anniversaire, ce qui amplifiait encore l’autorité morale que
les protestants veveysans lui reconnaissaient et l’affectueux respect que lui
portaient les catholiques. Il s’employa, comme toujours, à calmer les esprits :
    — Mes amis, nous ne devons pas perdre de vue que la
Confédération helvétique, notre patrie à tous, protestants, catholiques et même
juifs, auxquels on vient de rendre, enfin, les droits civiques qu’on leur avait
enlevés en 1816, compte à ce jour deux millions et demi d’habitants, dont
environ soixante pour cent sont protestants et quarante pour cent catholiques. Or,
les cantons

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