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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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comme toujours, des adieux trop tendres à son parrain, quand retentirent
des cris et des appels au secours. Ce tapage venait de la berge du Rhône, plus
précisément du bateau-lavoir, près duquel était amarré l’ Ugo.
    En un éclair, Axel comprit que le ponton des lavandières se
disloquait et coulait, tel un vaisseau canonné. Les femmes, précipitées à l’eau,
couraient grand risque de se noyer si on ne les secourait pas dans l’instant. Il
se débarrassa prestement de sa redingote, la tendit à Alexandra, courut jusqu’au
quai et plongea sur son élan dans l’eau froide du Rhône. Déjà, des femmes
empêtrées dans leurs jupes se débattaient en hurlant, car le courant rapide les
éloignait de la berge. Du quai, on pendait des échelles et celles qui savaient
nager s’en approchaient en implorant qu’on les aide à regagner la terre ferme.
    Axel, bon nageur, saisit une jeune fille que le Rhône
entraînait, puis une seconde, qui tentait de maintenir la tête hors de l’eau, et
les amena jusqu’à l’ Ugo où elles se hissèrent avec l’aide de Paulin.
    Premier à se jeter à l’eau, le bacouni avait déjà repêché
une lavandière, qui gisait à demi évanouie sur le pont.
    — Combien étiez-vous dans le lavoir ? Vite, réponds,
demanda Axel à l’une des rescapées.
    — Dix-sept, dit une fille en grelottant.
    Paulin s’était remis à l’eau et Axel l’imita, pour rattraper
une femme que le courant emportait vers la Coulouvrenière. Elle suffoquait, prête
à se laisser couler, quand il la rejoignit. Comme, dans son affolement, elle
gênait les mouvements du nageur, Axel se souvint du conseil du père Valeyres. Sans
ménagement, il saisit la fille par les cheveux et, lui maintenant la tête hors
de l’eau, la ramena aisément au quai où des témoins tendaient des bras
secourables.
    Quand on fit l’appel, avant d’emporter à l’hôpital trois
lavandières très éprouvées par leur baignade, on s’aperçut qu’une seule des
femmes manquait. Entre-temps, le bateau-lavoir, dont le plancher s’était
brutalement ouvert sous les laveuses, avait coulé, et seul son toit, couvert de
tuiles, émergeait encore.
    — Celle qui manque est peut-être restée coincée dessous,
dit Paulin.
    — Allons voir ! dit Axel.
    Avant de plonger avec son marin, il ordonna aux trois hommes
courageux qui, comme lui et le bacouni, s’étaient mis à l’eau au lieu de rester
à donner des conseils ou à se lamenter sur la berge, d’arracher les tuiles et d’ouvrir
le toit du lavoir.
    L’inspection sous l’eau ne révéla aucune présence humaine et,
tandis que s’éloignaient, emportées par le fleuve, les épaves dérisoires du
naufrage, draps, pièces de linge, planches, hottes, paniers, baquets, M. Métaz
et le bacouni reprirent pied sur le quai. Alexandra, blême et admirative, jeta
sur les épaules de son parrain la redingote qu’il lui avait confiée.
    — Tu vas attraper un rhume, dit-elle, maternelle, en
lui essuyant le visage et les cheveux avec son châle.
    Fuyant les félicitations des témoins et les remerciements
des rescapées, Axel et Paulin sautèrent à bord de l’ Ugo pour passer des
vêtements secs. Alexandra les suivit, trouva la bouteille de lie et servit une
rasade d’alcool aux deux hommes. Après cet épisode, Axel, pressé de mettre à la
voile pour Vevey, écourta les effusions. Alexandra le vit partir à regret, après
avoir vainement tenté de lui faire différer son départ, sous prétexte de
prendre un peu de repos. Droite et mince au bord du quai, tandis que l’ Ugo prenait la brise, elle échangeait encore avec Axel des signes affectueux quand
un journaliste l’interpella. Il voulait connaître le nom des deux hommes qui se
trouvaient à bord du yacht et dont le courage méritait, dit-il, une citation
dans les colonnes du Journal de Genève.
    Alexandra savait qu’une publicité de ce genre déplairait à
Axel. Elle se contenta de répondre qu’il s’agissait de son parrain et d’un
marin de Vevey.
    — Qui est votre parrain, jolie demoiselle, le vieux, je
suppose ? demanda le balourd polygraphe.
    Alexandra lui sourit d’un air bizarre, en plissant les
paupières, et, avant que le garçon eût pu parer son geste, elle lui posa les
deux mains à plat sur la poitrine et le poussa dans le Rhône, où il s’affala
dans une gerbe d’eau savonneuse, ce qui amusa beaucoup les curieux.
    On apprit le soir même, à Genève, que le brigadier

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