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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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à dominance catholique sont entourés de cantons protestants, ce qui
donne aux citoyens catholiques un sentiment d’encerclement, dans lequel ils
voient maintenant une menace pour leur religion et leurs choix politiques. Il
faut savoir aussi que Schwyz, Uri, Unterwald, Zoug, Lucerne, Valais et Tessin, n’ont
que fort peu de fidèles de la religion réformée. À Fribourg et à Soleure, les
neuf dixièmes des habitants sont catholiques, comme les deux tiers des citoyens
de Saint-Gall. Berne compte quarante-six mille catholiques sur quatre cent dix
mille âmes et Genève est maintenant aux deux tiers catholique. En revanche, notre
pays de Vaud ne possède que quatre paroisses catholiques pour cent
quarante-quatre paroisses protestantes, alors que l’Argovie, d’où sont venues
toutes les difficultés que nous connaissons, compte quatre-vingt-un mille
catholiques pour cent quatre-vingt-trois mille habitants. On peut donc imaginer
et comprendre que, dans un canton où près de la moitié des citoyens
appartiennent à l’Église de Rome, la suppression des couvents ne soit pas unanimement
approuvée, en dépit de ce que voudraient nous faire croire les athées et ceux
de nos frères protestants qui, comme Henri Druey, souhaitent une laïcisation
complète de l’État et de l’instruction.
    — Mais les jésuites, monsieur le Pasteur, qui viennent
d’être appelés à Lucerne, sont-ils aussi ennemis du progrès qu’on le dit, demanda
Charlotte, escomptant une claire appréciation du vieux sage qu’elle connaissait
depuis l’enfance.
    — Ah ! ma pauvre Charlotte, il y aurait beaucoup à
dire sur cette cohorte indépendante, qui se veut la première légion du Christ. Si
les jésuites respectent le pape, ils n’obéissent qu’à leur propre hiérarchie et
ne reconnaissent aucune autorité épiscopale. Leur grand maître est élu par les
profès [178] de la Compagnie. On le nomme général des jésuites, ce qui confère déjà à l’ordre
un aspect militaire. Les jésuites sont puissants parce qu’ils s’enveloppent d’un
mystère qui grandit leurs œuvres, qu’elles soient patentes ou ténébreuses. Mais
ils sont peu nombreux en Suisse. Deux cent soixante-dix-huit, m’a-t-on dit, qui
se trouvent principalement à Fribourg, où ils possèdent le fameux collège
Saint-Michel, dans le Valais, où ils ont encore deux collèges, et à Schwyz.
    — Ils sont maintenant à Lucerne. On leur a confié l’enseignement
de la jeunesse, constata Élise Métaz avec humeur.
    Charlotte prit la parole avec autorité :
    — N’est-ce pas une bonne chose, pour cette jeunesse ?
Les pères jésuites ne sont-ils pas des éducateurs expérimentés ? Ils
enseignent depuis 1547 et ont formé les élites de plusieurs nations, ma chère !
Et nous savons tous combien les étudiants qui sortent du collège Saint-Michel
de Fribourg forment un contraste frappant par leur foi, leurs connaissances, leurs
méthodes de travail, leurs mœurs, avec les garçons des universités corrompues
de France et d’Allemagne. Combien d’enfants de riches familles étrangères ne
sont-ils pas envoyés aux jésuites de Fribourg ou de Soleure, non seulement pour
être bien instruits mais aussi bien éduqués ? Pour qu’ils apprennent l’art
de se comporter avec honneur, efficacité et courage, dans toutes les
circonstances de la vie, ma petite Élise.
    L’interpellée se préparait à répliquer mais un regard de son
mari la dissuada d’en rien faire et, comme les fifres et les tambourins appelaient
pour le picoulet, la discussion se trouva close.
    Alors que les invités quittaient la table, Albert Duloy s’approcha
d’Axel.
    — J’ai appris qu’au dernier camp de Thoune, tu as payé [179] tes galons de
capitaine. Félicitations, mon garçon.
    — Il était temps ! À quarante-trois ans, je viens
de quitter la Landwehr pour passer dans le Landsturm. En cas de guerre, je ne
serai plus bon qu’à garder les dépôts de munitions, plaisanta Métaz.
    — Dieu veuille, mon brave Axel, qu’on ne t’en demande
jamais davantage ! dit le pasteur en soupirant.
    Les craintes de ceux qui, comme M. Duloy, redoutaient
que la querelle ne débouchât, un jour prochain, sur des violences, furent
confirmées le 8 décembre, quand l’opposition radicale se manifesta à
Lucerne, par une prise d’armes destinée à renverser le gouvernement cantonal. Cette
rébellion, ouverte à cinq heures et demie du matin par des hommes décidés à

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