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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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les accusant de fréquenter les bals masqués
pour attenter à la vertu des demoiselles protestantes, de profiter des loteries
et des jeux pour corrompre les mœurs, de diffuser des livres libertins, d’ouvrir
des établissements d’enseignement à modeste écolage [177] , pour attirer
les enfants des familles protestantes.
    Quant aux méthodes pour freiner l’envahissement catholique, les
Laviron, comme Alexandra, les condamnaient, car elles prônaient la
discrimination religieuse entre les travailleurs. L’Union conseillait, en effet,
aux employeurs de remplacer leurs ouvriers et leurs employés catholiques par
des protestants, aux maîtresses de maison de n’engager que des domestiques appartenant
à la religion réformée et aux consommateurs protestants de retirer leur
clientèle aux commerçants catholiques. Il était toutefois recommandé aux
membres de l’Union d’agir discrètement, pour ne pas effaroucher les protestants
qui désapprouvaient ces méthodes. L’Union dénonçait, en outre, la trop forte
proportion de papistes chez les maçons et même dans la gendarmerie ! Elle
proposait que la nationalité genevoise ne fût plus accordée aux étrangers
catholiques et engageait ses adhérents fortunés à soutenir de leurs deniers l’accession
des protestants peu fortunés à la bourgeoisie et tous ceux qui pourraient
acquérir des immeubles et des commerces vacants, afin de les soustraire aux catholiques.
    — L’homme sage est Louis Rilliet de Constant dont la
courageuse brochure sur l’Union va éclairer les protestants sensés, dit
Pierre-Antoine. Il est de ceux qui, comme moi, cher Axel, dites-le à votre mère
s’il vous plaît, désapprouvent l’action d’une organisation qui calque sa
hiérarchie et use des méthodes chères aux carbonari, aux brigades de sûreté, à
toutes les sociétés secrètes cherchant à conquérir une influence politique. Car
les arrière-pensées de ces gens sont politiques. Rilliet de Constant soutient
que l’Union dévoie le protestantisme et le pousse à sa perte « en
transportant le fond dans la forme ; en changeant le spiritualisme, son
essence, en un matérialisme mesquin ». Et il a encore raison, quand il
écrit que ce n’est pas « en refusant un domestique catholique, en enlevant
des chalands à un magasin catholique » qu’on assurera la pérennité de
notre religion, qui est d’abord service de Dieu et des âmes, tolérance, amour
du prochain, observa gravement le banquier.
    Après quarante-huit heures passées à Genève, Axel se
préparait à regagner Vevey, quand Alexandra, qu’il n’avait vue qu’en famille
chez les Laviron, proposa de l’accompagner jusqu’à son bateau.
    — J’ai à te parler de Zélia, lui glissa-t-elle.
    En descendant la rue de la Cité au bras de son parrain, la
jeune fille livra ce qui la préoccupait :
    — Zélia me semble bizarre, ces temps-ci. Depuis un mois,
elle s’absente plus souvent que d’habitude. Parfois pour trois ou quatre jours,
avec l’accord de Manaïs, bien sûr. Elle dit qu’elle va herboriser dans le Jura,
seule contrée où l’on trouve certaines plantes pareilles à celles de son pays. Elle
veut montrer ces herbes au pharmacien des Laviron, chez qui elle apprend les
pommades et les onguents. Je trouve imprudent de la laisser partir seule dans
les campagnes mais elle ne tient aucun compte de mon avis. C’est une tête dure !
    — Je t’avais mise en garde. Les Zigeuner sont
imprévisibles. Elle peut très bien disparaître sans donner d’adresse. Mais que
dit Louis Vuippens ?
    — Il dit qu’il faut la laisser agir à sa guise et ne
pas lui poser trop de questions, dit Alexandra.
    — Il a raison. Inutile de faire preuve de curiosité, elle
répondrait par un mensonge, une fable abracadabrante. Chez les Tsiganes, le
mensonge est une forme d’expression poétique. Ils ont l’art d’embellir ce qui
est laid, de noircir, de rendre tragiques les situations banales, de déguiser
le sens d’un événement, pour qu’il coïncide avec ce qu’ils voudraient qu’il fût,
expliqua Axel.
    — Mais je sais qu’elle m’aime beaucoup, qu’elle ne veut
pas me quitter, qu’elle est aussi très attachée au docteur Vuippens ! Elle
paraît tout à fait sincère, insista la jeune fille.
    — Elle l’est certainement, au moment où elle dit cela. Mais
va savoir quelle sera sa sincérité suivante !
    Le couple atteignait le quai de l’île et Alexandra allait
faire,

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