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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vigueur un Code pénal et
un Code de procédure pénale acceptés par tous, réorganisé les milices
maintenant classées parmi les meilleures à inclure, en cas de conflit, dans l’armée
fédérale, donné force de loi au mariage civil contracté devant les pétabossons
communaux, libéré la presse de toute censure, sinon de toute influence
partisane. Dans le domaine de l’instruction publique, on constatait aussi d’importants
progrès. L’Académie avait recruté de grands maîtres – comme Alexandre
Vinet ou Mickiewicz – et reçu Sainte-Beuve. L’École normale, fondée en
1833, formait des régents partout appréciés. L’Asile des aveugles, fondé en
1842 par M lle  Élisabeth Cerjat – qui avait retrouvé la vue
grâce à une opération nouvelle de la cataracte – et M. William
Haldimand, était une institution exemplaire, dont Lausanne tirait une juste
fierté. En ce qui concerne la religion, en revanche, subsistaient dans toutes
les classes de la société des rancœurs tenaces depuis qu’en 1839 le Grand
Conseil, suivant en partie les exigences des radicaux qui voulaient une Église
démocratique, avait aboli la confession de foi, règle doctrinale datant de la
tutelle bernoise. L’Église protestante restait dépendante de l’État, même si
les législateurs avaient enlevé aux pasteurs la direction de l’Académie et des
collèges.
    Les Métaz et leurs amis furent étonnés d’apprendre que, depuis
le 29 décembre, jour de la manifestation antijésuitique de Genève, à laquelle
Axel avait assisté, M. Louis-Henri Delarageaz, un autodidacte devenu
arpenteur puis député en 1841, fondateur des phalanstères vaudois, ami de Proudhon
et de Fourier, avait créé dans le pays de Vaud une « Association
patriotique pour résister aux progrès de la réaction ». Cette association,
dont personne ne voyait le bien-fondé, aucune « réaction » ne
menaçant le pouvoir établi, avait lancé une pétition qui, à la stupeur des
bien-pensants, venait de recueillir trente-deux mille signatures. C’était beaucoup
dans un canton qui comptait cent quatre-vingt mille habitants. Le succès de
cette consultation encouragea les radicaux. Ils rassemblèrent à Yverdon, Villeneuve,
Cully, Morges et Cossonay, des foules considérables, qui acclamèrent Delarageaz
et ses amis et reprirent la formule sans nuance : « Tous ceux qui ne
sont pas contre les jésuites sont pour », c’est-à-dire des mauvais
citoyens, suppôts de la réaction, ennemis de la patrie !
    Le Grand Conseil, réuni le 11 février à Lausanne, ne se
laissa pas impressionner, non plus que le Conseil d’État, par la mobilisation
populaire orchestrée par les représentants d’une minorité qui exploitaient sans
vergogne la crédulité des uns et l’ignorance des autres. Les conseillers
décidèrent de voter suivant leur conscience et, par cent trois voix contre
soixante-trois, refusèrent la caution cantonale à ceux qui exigeaient l’expulsion
immédiate des jésuites. Les délégués vaudois à la Diète extraordinaire, dont la
date était maintenant fixée au 20 mars, Henri Druey et l’avocat
Georges-François Briatte, tous deux partisans de l’expulsion des jésuites, devraient
taire leur propre opinion et joindre leurs voix à celles des libéraux modérés
afin que l’on usât de persuasion et non de méthodes autoritaires pour
convaincre les Lucernois de se débarrasser sans plus tarder des jésuites, dont
la présence créait tant de discorde à travers la Confédération.
    Axel Métaz, prévenu par le commandant de la milice, comprit
que les choses n’en resteraient pas là. Il prit, le 13 février, avec
Vuippens, le chemin de Lausanne où, disait-on à Vevey, les pétitionnaires de l’Association
patriotique de M. Delarageaz commençaient à se rassembler au Casino, à
envoyer des émissaires dans les villages pour convaincre les gens d’exiger du
Grand Conseil qu’il revînt sur sa décision et ralliât, au nom du canton tout
entier, le camp de ceux qui voulaient à tout prix bouter hors des frontières
les hommes noirs, loups-garous papistes, bourreaux de la démocratie, ces
jésuites d’où venait tout le mal !
    Les deux amis trouvèrent la ville, où le Grand-Pont sur le
Flon, récemment inauguré, facilitait la circulation intérieure, en pleine
effervescence. Quand ils virent, au Casino, lieu de réunion habituel, Henri
Druey, Eytel et Delarageaz prendre la parole devant des citoyens dont

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