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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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papistes.
    Avant de passer le portail de l’hôtel Laviron, Alexandra se
serra contre son parrain et l’informa d’une nouvelle restée jusque-là
confidentielle.
    — Parrain, je vais être amenée à faire un long voyage. En
janvier, je m’embarque pour les États-Unis, où nous voulons nous assurer les
services d’une banque correspondante, comme à Londres et à Rotterdam. Le
collège des associés m’a confié cette mission et j’aurai plaisir à découvrir l’Amérique.
Seulement, pendant au moins trois mois, je ne te verrai pas et cela me navre, tu
sais.
    — Mais tu pars seule ! s’inquiéta Axel.
    — Non, pas tout à fait, le collège a proposé à John
Keith, de notre maison de Londres, de m’accompagner. Il sait mieux que moi le
droit anglo-saxon et me sera fort utile. Péa dit qu’il est fils de lord et
triste comme un jour sans pain !
    — Je le connais, c’est un homme charmant, de grande
distinction, un parfait gentleman. Et, ce qui ne gâche rien, plutôt beau garçon.
Tu auras un cavalier charmant, ma fille.
    — J’aimerais mieux que ce soit toi, mon cavalier !
Ne peux-tu venir aussi ? Tu m’as dit plusieurs fois que M. Guillaume Métaz,
que tu considères encore comme un père, attend ta visite depuis plusieurs
années. Viens avec moi, minauda Alexandra.
    — Depuis des années, en effet, j’ai promis à l’homme
qui m’a élevé de lui faire visite mais le moment est mal choisi, Alexandra, trop
de chantiers, trop d’affaires me retiennent ici. Irai-je jamais en Amérique ?
    — Nous voyagerons sur le Britannia, un immense
vapeur anglais de la compagnie Cunard, qui transporte plus de cent passagers en
moins de deux semaines, de Liverpool à Boston, compléta la jeune fille, enthousiaste.
    Comme Axel se taisait, elle l’embrassa tendrement.
    — Je penserai à toi tous les jours et je t’écrirai
toutes les semaines, parrain, ajouta-t-elle en montant le perron.
    — Tu me manqueras, reconnut-il, plus ému qu’il ne laissait
paraître.
     
    On sut, dès les premières semaines de 1845, que l’expulsion
des jésuites devenait, après l’affaire des couvents d’Argovie, le nouveau
cheval de bataille des radicaux à travers toute la Confédération. Partout se
développaient des assemblées populaires et les militants se démenaient pour
convaincre les tièdes et les indifférents de prendre parti. La presse révélait
la création d’un comité central antijésuite et, dans tous les cantons, circulait
une pétition pour exiger de la Diète fédérale la mise hors la loi de la
Compagnie de Jésus et l’expulsion de ses membres. De jour en jour, la fièvre
montait dans toutes les réunions politiques, et l’annonce de l’ouverture d’une
Diète extraordinaire, le 24 février, donna le sentiment aux ennemis des jésuites
qu’ils allaient l’emporter. Il s’agissait, dans chaque canton, de désigner des
délégués pour cette assemblée et, surtout, de dicter à ces représentants des
consignes précises quant à l’opinion cantonale qu’il conviendrait d’exprimer et
le sens des votes auxquels ils devraient prendre part. Ces choix suscitèrent
bientôt, dans les Grands Conseils cantonaux, de rudes confrontations entre
conservateurs, libéraux, radicaux et anticléricaux de tous bords.
    Les Métaz, comme beaucoup de Vaudois, pensaient que leur
Grand Conseil s’en tiendrait à la position prise lors de la Diète fédérale ordinaire
de 1844, c’est-à-dire à la sage réserve qui avait fait rejeter la demande d’expulsion
des jésuites présentée par l’Argovie, et que leur délégués condamneraient l’intervention
des corps francs, contraire au Pacte fédéral de 1815.
    — Il ne s’agit pas, fit observer Louis Vuippens, d’aller
à une guerre certaine, pour en éviter une possible !
    Les notables veveysans croyaient, comme d’autres, que le
régime libéral et démocratique, sous lequel vivait le canton depuis 1831, mettait
celui-ci à l’abri des aventures extrémistes. Ils ignoraient que les membres du
Conseil d’État et du Grand Conseil, magistrats honnêtes et bien-pensants, apparaissaient
aux gens du peuple, aux habitants des campagnes, aux paysans surtout, gens
frustes et peu instruits, comme des intellectuels doctrinaires, héritiers des
aristocrates, indifférents aux préoccupations des citoyens modestes.
    Ces élus avaient cependant, depuis la régénération de 1831, fait
du bon travail, rendu la prospérité au canton, mis en

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