Romandie
par Dumoulin, fut
bientôt estompé par les nouvelles venues de France. Des émeutes d’une rare
violence avaient éclaté à Lyon, le 9 avril, tandis que comparaissaient
devant le tribunal sept ouvriers grévistes. Ces derniers, considérés comme
meneurs, avaient répandu et fait observer, dès le 12 février, les
consignes du Devoir mutuel, principale organisation de secours mutuel des
ouvriers de la soierie, les canuts, qui avait ordonné l’arrêt des métiers à
tisser, après que les fabricants eurent décidé de diminuer de vingt centimes l’aune
des tissus en peluche. Dans une ville qui entretenait d’étroits rapports commerciaux
avec Genève et la Suisse romande, l’industrie et l’artisanat de la soie
faisaient vivre près de quarante mille personnes, plus de la moitié de la
population lyonnaise.
Déjà, en novembre 1831, le gouvernement français avait
dû envoyer à Lyon trente mille hommes de troupe, commandés par le maréchal
Soult et le duc d’Orléans, pour rétablir l’ordre, les canuts insurgés s’étant
rendus, pendant quelques jours, maîtres de la ville, avec l’intention évidente
d’en faire la base de départ d’une nouvelle révolution républicaine.
Cette fois, M. Thiers, maintenant ministre de l’intérieur,
avait donné des consignes de fermeté. Quand les canuts s’étaient mis à
construire une barricade devant le palais de justice où l’on jugeait leurs camarades,
l’armée était intervenue sans ménagement, malgré les exhortations des militants
de la Société des Droits de l’homme, qui invitaient les militaires à se joindre
aux émeutiers. L’insurrection était envisagée depuis assez longtemps pour que
la police en fût informée. Les émeutiers avaient compté sur la prise de dépôts
d’armes et le ralliement des soldats à leur cause. Ils avaient été déçus. Ils
ne trouvèrent pas d’armes et reçurent des balles de la part des militaires de
qui ils escomptaient le soutien. La stratégie répressive avait habilement consisté
à interdire aux groupes d’insurgés, constructeurs de barricades dans plusieurs
secteurs de la ville, de communiquer et de s’agglutiner. Tous leurs bastions de
fortune avaient été réduits en six jours. Le dernier, celui de la Croix-Rousse,
quartier populaire, terre d’élection des canuts, avait été enlevé par une
charge de la troupe, baïonnette au canon, au cours de la nuit du 14 au 15 avril.
Engagés dans l’aventure insurrectionnelle sans préparation, dépourvus
d’armes et de munitions – on ne compta que six cents fusils pour trois
mille émeutiers –, peu soutenus par une population qui, se souvenant de la
répression de 1831, était terrorisée par la violence de la riposte militaire, la
révolte des canuts avait tourné court. Le premier bilan divulgué par les
journaux faisait état de cent treize militaires tués, dont douze officiers. On
estimait à deux cents environ le nombre des insurgés morts pendant les combats
de rues, au cours desquels le gouvernement avait fait, comme à La Guillotière, donner
l’artillerie. Plus de cinq cents émeutiers avaient été arrêtés et le procureur
du roi commençait à instruire les dossiers des captifs. Ceux dont la
culpabilité serait retenue devraient répondre de leurs actes devant la Cour des
pairs.
Le calme rétabli, commençaient les expulsions d’étrangers, ouvriers
piémontais, savoyards, allemands, italiens, soupçonnés d’avoir participé à l’insurrection.
Certains arrivaient maintenant à Genève et dans le canton de Vaud, assurés de
trouver bon accueil.
Claude Ribeyre de Béran et Fontsalte, informés par les
bonapartistes du café Papon, toujours à l’affût d’un mouvement capable de jeter
Louis-Philippe à bas de son trône, révélèrent à Axel, au cours d’une visite à
Rive-Reine, que le prince Louis Napoléon avait, un moment, envisagé de se
rendre à Lyon pour prendre la tête de l’insurrection. Le fils de la reine
Hortense, bourgeois de Thurgovie depuis 1832 et élève aspirant au collège
militaire de Thoune, s’était rendu à Genève dès qu’il avait eu connaissance de
la révolte des canuts.
— Il se faisait fort d’obtenir, sur son nom, le
ralliement de la troupe refusé aux émeutiers, dit Ribeyre.
— Et, ainsi, de susciter en France un grand mouvement
en sa faveur, compléta Blaise.
— Le prince s’est rendu, de nuit, chez James Fazy, qui
habite aux Pâquis avec sa mère. Le politicien
Weitere Kostenlose Bücher