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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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C’est
peut-être une sorte de mimétisme bénéfique à l’enfant, dit Élise, consciente d’être
allée trop loin en imaginant une idylle passée entre Axel et l’amie d’enfance, morte
noyée.

3
    Axel Métaz, notable veveysan, était toujours parmi les
premiers informés des événements locaux. C’est ainsi que, le 16 février
1834, un envoyé du Conseil communal vint apporter à Rive-Reine la triste
nouvelle du décès, à l’âge très respectable de quatre-vingt-un ans, d’un
artiste dont la réputation avait largement dépassé les frontières vaudoises, le
peintre François Aimé Louis Dumoulin. Deux œuvres de Dumoulin figuraient à
Beauregard. Une aquarelle, intitulée Vendanges à Lavaux, et un dessin
représentant le Bivouac des prisonniers autrichiens sur la terrasse
Saint-Martin en 1800. Ce dessin, accroché dans le cabinet de travail du général
Fontsalte, lui était particulièrement cher. Il rappelait le premier rendez-vous
du jeune guerrier, retour de la bataille de Marengo, avec Charlotte Métaz, la
belle bourgeoise veveysanne, à la veille de l’adultère qui allait bouleverser
plusieurs vies.
    Axel, enfant, avait suivi les cours de dessin de Dumoulin. Il
possédait, à Rive-Reine, une aquarelle du peintre, dédiée aux joyeuses lavandières
de La Tour-de-Peilz. Un exemplaire rarissime du Robinson Crusoé, illustré
de cent cinquante gravures par le peintre veveysan, se trouvait aussi dans sa
bibliothèque. Mais les toiles les plus prisées des collectionneurs français, anglais
et russes restaient celles que Dumoulin avait rapportées de son séjour, comme
planteur, à l’île de la Grenade et aux Saintes, où il avait participé malgré
lui, étant enrôlé dans la milice anglaise, à la guerre d’indépendance américaine.
    De retour en Europe, il s’était fixé un temps à Paris et
deux de ses œuvres avaient figuré, très honorablement, au Salon de 1796, avant
d’être acquises par le Directoire. Lors de son séjour parisien, le peintre, enthousiasmé
par les grands principes de la Révolution, et qui détestait les Anglais, avait
proposé aux Citoyens Directeurs un mémoire de stratégie navale sur la
possibilité d’un débarquement français en Angleterre.
    Blaise de Fontsalte, alors jeune officier au service des
Affaires secrètes et des Reconnaissances, avait eu à connaître de ce projet qui
devait, un temps, séduire Bonaparte. Le général, heureux de retrouver à Vevey l’artiste
qui proclamait, en 1797, son « pur patriotisme et son désir de voir triompher
la France de son plus invétéré ennemi », le rencontrait parfois. Lors de
sa dernière visite à Dumoulin, Fontsalte avait admiré un superbe autoportrait, peint
deux ans plus tôt. Une sorte de testament pictural, car on y voyait, derrière l’artiste
aux cheveux blancs, fumant une longue pipe et flanqué de son chat en posture
hiératique, tout ce qui avait compté dans sa vie aventureuse : la mer, les
bateaux, la guerre, la nature, la lecture, l’ordre et l’élégance, illustrée par
la blancheur empesée d’un jabot à festons.
    De la même façon que M. Dumoulin avait donné, autrefois,
des cours de dessin aux enfants Métaz, le peintre s’était efforcé d’enseigner l’art
de l’aquarelle à Alexandra, la filleule d’Axel. La fillette aimait cet homme
aux traits puissants, à l’opulente chevelure neigeuse, au regard noir, souvent
inquiet, parfois coléreux. Pour illustrer les récits de ses aventures dans les
îles lointaines, qu’il développait plus volontiers devant la fillette que pour
les grandes personnes, M. Dumoulin tirait de ses cartons gouaches et
dessins en commentant la prise d’un grand requin en 1777, la calinda, danse
des Noirs, la fin du César, frégate française coulée par les Anglais
lors de la bataille des Saintes, le 12 avril 1782, l’ouragan sur le grand
banc de Terre-Neuve, en septembre 1783, responsable du naufrage de
trente-six bâtiments [18] .
    Alexandra pleura son maître de dessin qui lui avait offert, peu
de temps avant de tomber malade, une aquarelle pleine de fraîcheur et de
vitalité représentant la fillette et ses compagnes de jeu en baignade dans le
lac.
    — Que va devenir son chat épagneul, tout seul ? s’inquiéta-t-elle.
    Pernette la rassura : la vieille servante du peintre
prendrait soin de l’animal.
    Ce décès, qui endeuilla Vevey au moment où la municipalité
se penchait, une nouvelle fois, sur un projet de port proposé
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