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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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Vevey, Élise Métaz de Fontsalte, ainsi qu’elle aimait à
signer, participa à la collecte conduite par M mes  Pradier-Gex
et Nicolier. Alexandra fut engagée à tricoter, comme ses petites amies, écharpes
et bonnets pour les Polonais, ce que la fillette entreprit sans enthousiasme.
    Depuis le mariage de son parrain avec Élise Delariaz, l’orpheline
paraissait désorientée et affichait un entrain forcé. Au soir des épousailles,
Élise et Axel, cajolant la fillette, l’avaient assurée qu’elle serait aimée et
traitée comme le premier enfant de leur foyer. Mais Alexandra ne pouvait se
défendre d’un sentiment inexprimable d’abandon. Surtout depuis qu’elle suivait
des cours privés chez des professeurs retirés à Vevey. Son attitude donnait à
penser qu’elle était jalouse de l’épouse de son parrain. Élise lui avait, non
seulement, ravi la première place à Rive-Reine, mais elle ne s’occupait plus d’elle
comme autrefois. Alexandra, qui avait conçu une passion admirative pour M lle  Delariaz,
ne savait plus, maintenant, comment s’adresser à elle. Elle ne pouvait dire
maman ou mère, encore moins appeler Élise par son prénom. Il avait été convenu,
après réflexion, qu’Alexandra appellerait Élise marraine, comme elle nommait
Axel parrain. Mais le cérémonieux mademoiselle, dont l’enfant usait quand la
fille du pasteur n’était encore que son institutrice, lui échappait parfois. Cela
peinait M me  Métaz et agaçait Axel, bien qu’il trouvât des
excuses à sa filleule. Élise, en effet, traitait plus souvent en gouvernante qu’en
mère adoptive la fille de la défunte Nadine. De la même façon, Alexandra ne
tutoyait pas la jeune femme, alors qu’elle tutoyait son parrain.
    Élise, bien que patiente et douce, supportait de moins en
moins aisément la complicité établie depuis des années entre Axel et sa
filleule. Alexandra, fine mouche, ne faisait rien pour atténuer ce sentiment, au
contraire. Quand elle désirait obtenir une faveur, une autorisation, un cadeau,
c’est à Axel qu’elle s’adressait. En revanche, dès qu’il s’agissait d’une leçon
incomprise, d’un devoir à contrôler, c’est Élise qu’elle venait trouver, démontrant
ainsi qu’elle considérait encore l’épouse de son parrain comme la pédagogue qu’il
avait autrefois embauchée pour l’instruire. Tout cela entretenait, dans une
ambiance de gracieuseté conventionnelle, une distance gênante entre la femme et
la fillette. La bonne Pernette, très attachée à la filleule de son maître, redoutait
l’incident qui ferait apparaître au grand jour une rivalité dont, saine fille
de la campagne, elle devinait l’existence, sans en imaginer la complexité
affective et, moins encore, le fondement amoureux.
    Car, à douze ans, Alexandra en paraissait quinze et, de
maturité précoce, peut-être à cause du drame vécu cinq ans plus tôt, jouait à
la petite femme. Plus grande que ses compagnes du même âge, svelte, brune aux
yeux violets, dotée d’un teint mat, de traits fins, d’un nez au retroussis
mutin, de doigts effilés, elle affichait un goût prononcé pour la toilette. Axel,
célibataire sans préjugés, l’ayant toujours vêtue suivant les goûts qu’elle
affirmait avec autorité, Alexandra était habituée à choisir elle-même ses robes,
manteaux et chaussures. Élise la trouvait trop coquette pour son âge et
proposait des mises plus simples, sans oser, toutefois, imposer ses choix, de
crainte de déplaire à son mari, premier à s’extasier devant l’ajustement
parfois excentrique de sa filleule.
    — Et vous avez vu ses longues jambes, ses chevilles
fines ! Croyez-moi, dans quelques années, elle en fera tourner, des têtes,
votre Alexandra ! disait Pernette à Axel, quand la petite traversait la
cour pavée de Rive-Reine pour se rendre au cours.
    Un jour, sans penser à mal, Pernette, qui servait le café, observa
devant Élise et Axel qu’Alexandra « avait des airs de son parrain et comme
lui un caractère entier ».
    — C’est juste, dit Élise s’adressant à son mari, après
que la servante se fut éloignée, on pourrait presque penser qu’Alexandra est
votre fille !
    — Je ne suis pas M. Eynard, chère Élise, et Nadine
n’était pas duchesse de Toscane… ni même de Vaud ! dit Axel en s’esclaffant.
    — Il est incontestable, en tout cas, que votre forte
personnalité a influencé sa formation, sa façon d’être, de parler même.
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