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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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derniers jours, Noverraz avait dû s’aliter, atteint par
une hépatite qui le rendait cruellement malade. L’empereur faisait, chaque jour,
prendre de ses nouvelles et ordonnait qu’on servît au Vaudois des fruits frais.
Le 30 avril, Noverraz avait trouvé la force de sortir de son lit pour
faire visite à Napoléon.
    Ce dernier, voyant son domestique amaigri, jaune comme un
coing et chancelant, s’était exclamé avec commisération : « Tu as
bien changé, mon garçon ! »
    En quittant la chambre de l’empereur, Noverraz s’était évanoui
dans les bras du premier valet, Louis, que tous les domestiques devaient
appeler monsieur.
    — Quand j’ai repris mes sens, rapportait le Vaudois, j’ai
dit à M. Marchand : « Je ne puis vous dire ce que j’ai éprouvé
en voyant l’empereur. En me parlant, il m’a semblé qu’il m’attirait vers lui, qu’il
me disait de le suivre. »
    Noverraz se remit cependant et, convalescent, put assister
aux derniers moments de Napoléon qui, précisait-il, « mourut le matin du 5 mai,
à cinq heures et quarante-neuf minutes ». C’est Louis Marchand qui avait
fermé les yeux de Napoléon, avant d’autoriser M me  Noverraz à
couper une mèche de cheveux de l’empereur [20] .
    À Lausanne, l’ancien chasseur vivait à l’aise. Non seulement,
en Vaudois économe et prévoyant, il avait su économiser, pendant les six années
passées à Sainte-Hélène, sur son salaire de dix mille francs par an, mais
encore avait-il été couché, comme ses compagnons, sur le testament de Napoléon.
En plus d’un legs personnel de cent mille francs, il avait eu sa part des trois
cent mille francs laissés par l’empereur « à sa compagnie », somme
dont l’existence, ainsi que celle d’autres valeurs, avait été ignorée des
geôliers anglais.
    Ce bel homme de quarante-quatre ans, d’une extrême dignité, ne
se complaisait pas dans la retraite dorée que lui valaient les largesses de l’empereur.
Bon citoyen vaudois, il s’était, dès son retour en Suisse, mis au service de la
milice de son canton. Promu capitaine de dragons, il avait commandé, le 3 août
1833, à Bâle, le détachement de la cavalerie vaudoise requis par l’armée
fédérale pour mettre fin au conflit entre citadins et campagnards bâlois. Querelle
sanglante, qui avait abouti à la séparation du canton de Bâle en deux
demi-cantons, Bâle-Ville et Bâle-Campagne.
    Blaise et Claude rendaient souvent visite à M. Noverraz,
dans son domaine de Sébeillon. Sur les trois hectares acquis grâce aux sommes
léguées par l’empereur, Noverraz habitait une belle maison de maître, entourée
de trois bâtiments qui abritaient ferme, écurie, pressoir, fenil et porcherie.
    Se souvenant du message codé dont les bonapartistes usaient
pour désigner Napoléon quand ils annonçaient, de bouche à oreille, son retour
de l’île d’Elbe en disant « la violette revient au printemps », Noverraz
avait nommé sa propriété La Violette. Cela lui valait un surcroît de
considération de la part des grognards qui faisaient le voyage de Genève à
Lausanne pour le visiter, entendre ses souvenirs de Sainte-Hélène et, surtout, tenir
un instant en main les reliques que détenait le Vaudois : les clefs de
Longwood, une carte annotée de la main de l’empereur, deux gilets de Casimir
blanc portés par Napoléon en captivité, le gobelet d’argent aux armes
impériales dans lequel buvait le captif.
    Les deux généraux avaient même eu l’honneur de pouvoir
toucher la mèche de cheveux prélevée sur l’empereur défunt.
    Une seule chose peinait Jean-Abram Noverraz : il n’avait
pu s’acquitter de la dernière mission confiée par Napoléon à son fidèle Vaudois.
Mission de confiance puisqu’il s’agissait, suivant le désir exprimé par l’empereur
dans son testament, de porter au duc de Reichstadt les souvenirs que son père entendait
lui laisser : trois selles, brides et éperons dont l’empereur avait usé à
Sainte-Hélène et quatre fusils de chasse [21] .
De sa main, Napoléon avait écrit sous ces legs, quelques jours avant sa mort :
« Je charge mon chasseur Noverraz de garder ces objets et de les remettre
à mon fils quand il aura seize ans. » Jean-Abram avait rapporté à Lausanne
ce précieux dépôt et, en 1827, année du seizième anniversaire de l’Aiglon, il s’était
rendu à Vienne pour les remettre à leur destinataire. Mais Metternich avait
opposé un refus
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