Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
temps de la réflexion en posant sur
son parrain un regard tendre et mélancolique.
    — John ferait un époux très convenable, si j’avais
envie de me marier, mais voilà : j’aime ailleurs, tu le sais, dit-elle.
    Axel, comprenant l’allusion, haussa les épaules, bien décidé
cette fois à être clair, brutal, afin de mettre un terme à l’adulation
agressive d’Alexandra.
    — Tu es stupide ! À vingt-trois ans une femme doit
se défaire des amours enfantines. Tu n’as rien à espérer, rien à attendre de ta
folie. Le seul amour que je puis accepter de toi est une sorte d’amour filial, fait
de tendre confiance, même de complicité. Mais rien de plus. Tu dois le
comprendre.
    La jeune fille lui prit la main et le fixa de son regard
clair.
    — Je l’ai compris, parrain. Au cours des mois passés
loin de toi, j’ai beaucoup appris en observant les hommes et les femmes. Je
sais maintenant que le vrai plaisir d’amour est d’aimer. Que l’amour peut
subsister sans échanges charnels. Et c’est ainsi que, désormais, je t’aime. Et
cela, personne ne peut m’en empêcher. Un jour, tu auras besoin de moi et je serai
là, conclut-elle, sérieuse.
    — En attendant ce jour incertain, les choses sont
claires entre nous. Embrasse-moi, dit Axel, ému.
    Alexandra s’exécuta avec douceur.
    — Mais tu n’as pas répondu à ma question. John Keith s’est-il
ou non déclaré ? insista Axel.
    — Plusieurs fois, avec un tact exquis et la même
gravité qu’il met à proposer un investissement risqué à un spéculateur, dit
Alexandra en riant.
    — Et alors ! Qu’as-tu répondu ?
    — La vérité ou presque.
    — C’est-à-dire ?
    — Je lui ai répondu : « J’ai noyé mon cœur
dans le Léman ! » murmura Alexandra, narquoise, en montrant le lac.
     
    Une des premières décisions du gouvernement vaudois, issu de
la Révolution du 14 février et présidé par Henri Druey, avait été d’exiger
de tous les fonctionnaires publics un acte formel d’allégeance au nouveau
régime. Quels que soient leur rang et leur secteur d’activité, les employés de
l’État avaient eu cinq jours pour adhérer, par avance, à toutes les résolutions
que pourraient prendre les autorités radicales. Ceux, peu nombreux, qui ne s’étaient
pas engagés dans le délai imparti, avaient été considérés comme démissionnaires
et, sur-le-champ, remplacés par des hommes sûrs.
    Élise Métaz, éprise de justice sociale, libérale et
attentive au sort des défavorisés, s’était discrètement réjouie de l’éviction
des conservateurs. Elle jugea la demande d’allégeance aux radicaux justifiée, du
point de vue politique. Son mari l’estima peu démocratique et génératrice de
rancœurs.
    — Ma chère, vous ne devriez pas oublier que les
pasteurs sont considérés dans notre canton, depuis la loi ecclésiastique du 14 décembre
1841, comme des fonctionnaires de l’État. Le précédent régime avait supprimé la
confession helvétique et exclu les laïques des corps constitués de l’Église, sans
accorder la liberté des cultes. Le nouveau gouvernement vient de rappeler, dans
une circulaire, que la condition de fonctionnaire d’État prime sur celle de
fonctionnaire d’Église. Nos pasteurs vont devoir, eux aussi, prêter serment de
fidélité aux radicaux, dit Axel, caustique et provocateur.
    — C’est pour en délibérer que le clergé vaudois tient
demain, 6 mai, à Vevey, une conférence générale. Je saurai, le soir même, ce
qu’il en sortira, car je dois en informer mon père. Il est certain que l’exigence
du gouvernement provisoire va diviser les ministres de l’Église nationale, dit Élise,
un peu gênée.
    Dès lors, la question religieuse prit le pas, dans le canton,
sur les contingences politiques dans l’élaboration de la nouvelle Constitution.
Au cours de la réunion de Vevey, Axel l’apprit par sa femme qui connaissait de
nombreux pasteurs, les ecclésiastiques présents adoptèrent une pétition
destinée au Grand Conseil, qu’ils décidèrent de soumettre à tous les ministres
de l’Église nationale. En quelques jours, cette pétition, qui sollicitait la
liberté des cultes, recueillit deux cent vingt-sept signatures mais, le 20 mai,
le Grand Conseil l’écarta, comme une quarantaine d’autres de même nature. La nouvelle
Constitution de l’État de Vaud ne comporterait pas d’article reconnaissant la
liberté religieuse individuelle et tous les

Weitere Kostenlose Bücher