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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’autres dames patronnesses de l’Église protestante pour que les pasteurs
rebelles fassent amende honorable dans l’intérêt de la religion réformée. Elle
ne rencontra que peu de succès dans ces démarches, auxquelles Axel, qui donnait
raison aux frondeurs, refusa de s’associer.
    Le dimanche 10 août 1845 consomma la défaite des
opposants, quand la nouvelle Constitution fut approuvée par dix-sept mille six
cent soixante-douze citoyens, contre l’avis de dix mille trente-cinq, qui la
refusèrent.
    Les radicaux du Conseil d’État, considérant cette majorité
comme flatteuse, obtinrent aussitôt du Grand Conseil les pleins pouvoirs pour
régler la question ecclésiastique, qui empoisonnait les relations entre Vaudois.
Les quarante-trois ministres qui avaient refusé de lire la proclamation gouvernementale,
bien qu’absous par leurs pairs des classes, furent suspendus à la demande de
Druey, que certains nommaient ironiquement l’évêque du canton de Vaud, d’autres
le pape de Montbenon !
    Moins d’un mois plus tard, à l’issue d’une nouvelle réunion
tenue à Lausanne, cent cinquante-trois pasteurs envoyèrent leur démission au gouvernement,
pour manifester leur solidarité avec les sanctionnés. Le Conseil d’État, toujours
aussi hargneux, les somma de reprendre leurs fonctions sans tergiverser. Une
quarantaine obtempérèrent, pour ne pas abandonner leurs paroissiens car ceux
qui s’obstineraient au-delà du 4 décembre seraient rayés du rôle des
ministres de l’Église nationale et livrés à leur sort, sans plus de façon. Quant
aux quarante-cinq pasteurs qui avaient refusé de lire la proclamation
gouvernementale du 3 août, ils apprirent, le 3 novembre, les
sanctions définitives du Conseil d’État. Un seul pasteur était suspendu pour un
an, sans traitement, quatre autres l’étaient pour trois mois, quarante pour un
mois. Le pasteur Colomb, de Vevey, se voyait en outre infliger une peine accessoire
des plus mesquines. Il était « reculé de deux degrés sur le tableau des
ministres impositionnaires » et voyait, de ce fait, son traitement réduit !
    M. Henri Druey avait tenu à entériner les lettres, sèches
et dédaigneuses, adressées aux punis, de la même façon qu’il s’était personnellement
occupé du déplacement des pasteurs suspects, sans tenir compte de leur
situation familiale ni de leurs convenances. Il avait destitué sans explication
le pasteur Monnerat, qui refusait son déplacement. Plusieurs sanctionnés
rejoignirent les rangs des démissionnaires, imités en cela par des professeurs
de l’Académie, institution que bon nombre d’étudiants désertèrent.
    C’est au cours de ces jours troublés, alors que beaucoup de
fidèles se posaient un cas de conscience, que le professeur Alexandre Vinet, avec
le courage qu’il mettait à défendre ses convictions et la modération dont
restaient empreintes ses interventions, prit la plume. « Je m’adresse à
tous les pasteurs », écrivit-il. « Je plaide pour la meilleure forme,
la seule bonne à mon sens, d’un principe que les pasteurs démissionnaires et
non démissionnaires ont professé et défendu. Ce principe est celui de la
liberté de l’Église, et même, en général, de la liberté religieuse. » Et, après
avoir justifié l’attitude de ceux qui refusaient de servir un pouvoir politique
quel qu’il fût, Vinet ajoutait : « En dehors de tous les systèmes, il
y a un fait : plus de cent pasteurs, presque tous peu aisés ou pauvres, plusieurs
chargés de famille, tous attachés de cœur à leur paroisse, la plupart
affectionnés au système national, rompant avec leurs intérêts, avec leurs
affections, avec leurs opinions, pour suivre le devoir, consomment ce sacrifice
dans les circonstances les plus propres à leur en faire savourer toute l’amertume. »
Et le théologien concluait avec élégance : « Du reste, satisfait d’avoir
répandu notre cœur, nous nous réduisons volontiers au silence. »
    — Un grand homme, Vinet, un esprit noble et fier, commenta
Axel après avoir lu le texte publié, ironie blessante pour les radicaux, par
Stanislas Bonamici, imprimeur à Lausanne, moine défroqué et ancien carbonaro, qu’ils
avaient autrefois protégé, au mépris des lois contre les agitateurs étrangers !
    Élise ne cacha pas son amertume devant l’issue d’un conflit
politico-religieux qui réduisait de cent quarante-quatre à quatre-vingt-sept le
nombre des

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