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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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à Vevey par la défigurée pour exercer une sorte de surveillance
sur lui-même et les siens ? Vuippens lui ayant fait promettre le plus
absolu secret, il ne pouvait même pas révéler à Blaise qu’une domestique
étrangère reposait dans le caveau familial des Fontsalte, en Forez ! Axel
ne pouvait dominer son imagination à la pensée du visage d’Adriana, rongé par
un chancre hideux. Quant au médecin amoureux, il devrait, comme lui-même
autrefois, subir les sortilèges de la thaumaturgie tsigane avant de retrouver
sa lucidité, son libre arbitre et d’admettre qu’il avait aimé une chimère.
    Le lendemain, un peu de fraîcheur fut apportée à Rive-Reine
par la visite impromptue d’Alexandra. La jeune fille, rentrée quelques jours
plus tôt des États-Unis, n’avait pu attendre un voyage de son parrain à Genève
pour le revoir et offrir les cadeaux rapportés aux Veveysans. Axel trouva sa
filleule changée, moins primesautière, mûrie, appliquant, lui sembla-t-il, dans
ses rapports familiers le même sérieux qu’elle mettait aux affaires. Il
remarqua son élégance nouvelle, empruntée à la mode américaine, qui donnait aux
femmes plus d’aisance dans des tailleurs à longue veste et jupe assez courte
pour découvrir, quand elles marchaient, la pointe de la bottine.
    La voyageuse avait renoncé à la coiffure à la Sévigné pour
en adopter une plus sévère, « surtout plus facile et plus rapide à
reconstituer le matin, dans un pays où tout le monde est pressé », compléta-t-elle,
après une remarque de son parrain. Ses longs cheveux bruns, réunis en bandeaux
sur les côtés de la tête, formaient un écrin entrouvert sur le mince visage aux
pommettes hautes. Un léger fard avivait son regard bleu. Axel apprécia qu’elle
eût transporté pour lui un pot à l’effigie de George Washington, plein d’un
odorant tabac de Virginie au goût de miel, et une pipe indienne. Élise reçut
une minaudière de Tiffany et Bertrand un bonnet de castor, « semblable à
ceux que portent les trappeurs du grand Nord », précisa la jeune fille. Quant
à Vincent, il battit des mains en découvrant une locomotive jouet, « l’exacte
reproduction de la Tom Thumb, construite par Peter Cooper et qui tire les
convois entre Philadelphie et Charleston », expliqua encore Alexandra.
    Le jouet ouvrit la conversation sur les chemins de fer, dont
le développement était considérable aux États-Unis et aussi en France. Les
actions de la Compagnie du Nord atteignaient sept cent trente-cinq francs et l’on
achevait la construction de la voie ferrée entre Paris et Tours.
    — C’est en décembre qu’aura lieu l’ouverture de la
première station suisse, à Bâle, où aboutira la ligne des chemins de fer d’Alsace,
dit Axel.
    — Ce sont, comme toujours, les Suisses alémaniques qui,
les premiers, ont compris que le train est un moyen de transport qui supplantera
bientôt chars et diligences. Les banquiers bâlois se sont déjà réunis, pour
étudier un chemin de fer suisse central, qui relierait le réseau français à
ceux d’Allemagne et d’Italie, le nord au midi, l’est à l’ouest. Pourvu que les
cantons s’entendent pour accomplir cette œuvre nécessaire à la Confédération !
dit Alexandra.
    — Les pays qui ont un gouvernement central, où sont
prises les grandes décisions, ne connaissent pas nos rivalités cantonales, tous
ces atermoiements stériles, constata Axel.
    — Nos libertés cantonales nous protègent des choix des
autres. Ce qui est bon pour la Suisse alémanique n’est pas forcément bon pour
la Suisse romande. Et personne, dans le pays de Vaud, ne tient à voir le chemin
de fer cracher ses fumées dans nos paysages, dit Élise, péremptoire.
    Alexandra se retint de répliquer mais Axel traduisit sa
pensée.
    — Le jour viendra, peut-être plus tôt qu’on ne pense, d’une
sage révision du Pacte fédéral de 1815. J’espère que les esprits éclairés, tout
en maintenant l’autonomie des cantons, doteront alors la Suisse d’un parlement
et d’un gouvernement fédéral, pour que le pays tout entier soit, enfin, représenté
par un seul pouvoir et parle d’une seule voix aux puissances étrangères, dit M. Métaz.
    Au cours d’un aparté, il s’empressa de poser à sa filleule
la question soulevée par le post-scriptum de sa dernière lettre des États-Unis :
    — Alors, ce cher John Keith, t’a-t-il ou non demandé ta
main ?
    La jeune fille prit le

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