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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pasteurs qui officieraient dans des
assemblées autres que celles de l’Église nationale seraient privés du salaire
versé par l’État.
    La première conséquence de cette décision, qui imposait aux
pasteurs les mêmes obligations qu’aux fonctionnaires, fut la démission de l’Académie
de M. Alexandre Vinet, professeur de théologie, dont la réputation avait, depuis
longtemps, passé les frontières de la Confédération. Le retrait de ce maître à
penser des étudiants, érudit tolérant, homme intègre, zélateur de la liberté de
culte, humaniste et philosophe, consterna les intellectuels et ennuya les politiciens
radicaux, sensibles à un tel désaveu de leur politique.
    Quelques jours plus tard, le 26 mai, cent cinquante
pasteurs se réunirent à Lausanne et signèrent un mémoire de protestation, qui
recueillit deux cent vingt et une signatures. Le gouvernement n’en tint aucun
compte et quand, fin juillet, la nouvelle Constitution fut achevée, les
pasteurs constatèrent que leurs observations et doléances restaient lettre
morte. Les radicaux, dont l’autorité virait au despotisme, décidèrent de tester,
sans plus attendre, la résistance des récalcitrants. Le texte de la Constitution
devait être soumis à l’approbation des citoyens le dimanche 10 août. Il
fut demandé à tous les pasteurs de lire en chaire, le dimanche précédent, une
proclamation du Conseil d’État, visant à inciter le peuple à approuver les nouveaux
articles constitutionnels. Une quarantaine de ministres, outrés par le fait qu’un
gouvernement osât se servir de la chaire comme tribune de propagande politique
et tentât de tromper les citoyens en leur donnant à penser que la Constitution
nouvelle avait l’aval de leurs pasteurs, refusèrent de procéder à la lecture
exigée. Furieux, les membres du Conseil d’État détachèrent dans les églises des
laïques, chargés de lire la proclamation. Cette initiative causa, en plus d’un
temple, un véritable scandale. À Lausanne, des pasteurs quittèrent leur église,
suivis des fidèles, et dirent l’office en plein air. Or, les pasteurs de l’Église
nationale, salariés de l’État, considérés par la loi comme officiers civils, se
devaient d’obéir au pouvoir sans tergiverser. Ceux qui ne l’avaient pas fait le
dimanche 3 août furent taxés de rébellion. Le Conseil d’État, face à cette
fronde inattendue des pasteurs, réagit en adressant, le 6 août, à tous les
préfets et à toutes les municipalités, une circulaire annonçant sa ferme intention
de sanctionner « cette conduite des pasteurs et des suffragants qui n’est
pas en harmonie avec le caractère dont ils sont revêtus, celui de ministre de l’Église
nationale évangélique réformée, garantie, salariée et régie par l’État ». Le
Conseil d’État affirmait qu’il « ne saurait tolérer qu’on méconnaisse
ainsi l’autorité du gouvernement » et qu’il importait « de faire
sentir la puissance de la loi à ceux qui s’en écartent et en méconnaissent l’esprit ».
    En attendant d’être jugés par les classes [183] suivant la
procédure prescrite par la loi ecclésiastique, les pasteurs désobéissants
tinrent, en réponse à l’autorité politique, à expliquer leur attitude aux
fidèles, dans une circulaire que signèrent aussi les deux cent vingt et un réfractaires
du 26 mai.
    Après avoir répété qu’ils ne voulaient pas être « des
hommes de parti », ils ajoutaient : « Mais si l’on veut faire
une Église esclave du bon plaisir du gouvernement, dont les pasteurs puissent
être transformés, au gré du pouvoir, en prédicateurs politiques, presque en
crieurs publics, et dont les membres soient obligés quand ils viennent au
temple, d’entendre tout autre chose que ce qu’ils y cherchent, nous ne sommes
pas amis d’une telle Église ; ce n’est pas là l’Église à laquelle
appartiennent nos affections et notre ministère. » Quant à la
qualification de rebelles et d’ennemis de l’Église nationale, décernée par le
gouvernement, les pasteurs paraissaient sans crainte : « Que le pays,
et surtout, que le Seigneur, juge sur ce point entre nous. » Tandis qu’une
commission ecclésiastique conduisait une enquête préliminaire sur les diverses
manières qu’avaient eues les ministres de refuser la lecture de la proclamation
gouvernementale, Élise Métaz, en tant que fille de pasteur, tentait de s’entremettre
avec

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