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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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même de son
arrivée, il a dîné chez lady Blessington, en compagnie du comte d’Orsay et de
quelques amis, précisa même le général.
    Le prince, entré au fort de Ham le 7 octobre 1840, avait
patienté près de six années, dans un confort très acceptable, avant de tenter l’évasion
qui venait de réussir.
    — Le premier devoir de tout prisonnier politique n’est-il
pas de s’évader ? remarqua Axel.
    — Certes ! Et les détails de l’évasion princière
prêtent à sourire, commenta Blaise.
    Le général connaissait bien la forteresse d’où le neveu de
Napoléon venait de s’éclipser.
    — Le fort de Ham, reprit Fontsalte, est une sinistre
forteresse du XV e  siècle,
ceinturée de remparts reliés par quatre tours d’angle. Au fil des siècles, plusieurs
prisonniers de marque ont tenté l’évasion. Certains réussirent en se laissant
glisser par des meurtrières du rempart, au bout de draps noués ou d’une corde
fabriquée de leurs mains. Louis Napoléon se souciait peu de telles acrobaties
risquées. Il est, lui, sorti par la grande porte, à la barbe de trois geôliers
et de soixante sentinelles !
    — Cette façon de fausser compagnie ne manque pas de
panache, souligna Axel.
    — Il faut tout même savoir que l’évasion avait été bien
préparée et que le prince fut aidé par un brave maçon, Alphonse Pinguet, dit Badinguet.
Un déguisement permit au prisonnier de franchir, une planche sur l’épaule, le
poste de garde et d’aller attendre sur la route de Saint-Quentin, devant le
cimetière de Ham, le cabriolet loué par son valet. Parti du fort à 7 heures
du matin, le prince déjeuna à 3 heures à Valenciennes, avant de prendre, tout
simplement, muni d’un passeport belge, le train pour Bruxelles et, de là, une
voiture pour Ostende ! Le 27 mai, comme je vous l’ai dit, il dînait à
Londres, en bonne compagnie !
    — Et, naturellement, il va aussitôt rassembler ses
partisans, pour une nouvelle tentative de prise du pouvoir en France, imagina
Axel.
    — C’est probable mais, cette fois-ci, les anciens de l’Empire,
dont les rangs s’amenuisent au fil des années, ne s’engageront plus au côté d’un
tel homme. Il lui faudra recruter parmi les déçus de la monarchie et, sans
doute, parmi les républicains. Et, s’il échoue encore une fois, ce qu’on peut
craindre, il sera pris comme ce joli poisson ! conclut Fontsalte en tirant
de l’eau une perche frétillante et argentée.
     
    Axel se trouvait à Lausanne le 11 juin 1846, quand on
vit un convoi de trois grandes voitures poussiéreuses, surchargées de bagages
franchir le Grand-Pont. C’est dans cet équipage que le célèbre écrivain anglais
Charles Dickens et sa famille firent leur entrée en ville.
    L’auteur de The Pickwick Papers, Oliver Twist et Nicholas
Nickleby, ouvrages traduits en français, lus et appréciés en Suisse romande,
était accompagné de sa femme, Kate, de sa belle-sœur, Georgina, de six enfants,
dont l’aîné avait neuf ans et le plus jeune sept mois. Trois servantes, deux valets
et un petit chien blanc, fort turbulent, qu’on appelait Timber, complétaient la
tribu.
    Tout ce monde s’en fut loger, provisoirement, à l’hôtel
Gibbon, à Saint-François. M. Dickens passa, ainsi, sa première nuit sur le
domaine de la Grotte, autrefois habité par son illustre confrère et compatriote,
l’historien Edward Gibbon. Le séjour au bord du Léman avait été recommandé à
Dickens, alors âgé de trente-quatre ans et en état dépressif, par un médecin
genevois installé à Londres, le docteur Alexandre Marcet. Ce praticien, naturalisé
anglais en 1800, avait épousé la fille d’un riche commerçant suisse devenu
banquier britannique, Anthony Francis Haldimand, dont le fils William était l’ami
de Dickens et résidait à Lausanne depuis dix-huit ans.
    Le célèbre auteur était attendu non seulement par la famille
de William Haldimand, mais aussi par une importante colonie britannique, composée
de gens fortunés, de quelques originaux des deux sexes, qui trouvaient sur les
rives du Léman, chanté par Byron et Shelley, un climat agréable, une nation
paisible, une société aimable et cultivée.
    Contrairement à ce que croyaient encore bon nombre de
Lausannois, William Haldimand n’était pas anglais de souche bien qu’il eût l’allure
et les manières d’un baronet. C’était un Yverdonnois né à Londres, où son père
avait fondé un établissement

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