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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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du Sonderbund, il faudra
peut-être faire la guerre aux sept cantons sécessionnistes. Une guerre
fratricide et désolante, dit-elle.
    Tous les invités du vigneron redoutaient en effet qu’on n’en
vînt à cette extrémité.
    — Ah ! ma bonne amie, l’avenir est bien sombre, gémit
Anaïs, traduisant l’opinion générale.
    — On a beaucoup redouté, à Genève, l’intervention, en
faveur des révoltés, d’une sorte de corps franc vaudois. Qu’en pensez-vous ?
demanda le banquier aux Veveysans.
    — Les radicaux et Druey ont applaudi à l’annonce des
émeutes populaires conduites par James Fazy. Les Vaudois ont vu, en effet, dans
cette révolution, la suite logique de notre Révolution de 1845, dit le pasteur
Duloy.
    — Dès le 6 octobre, le Conseil d’État a délégué
Druey pour se rendre à Genève, « muni des pleins pouvoirs les plus étendus »,
avec pour mission officielle de jouer les médiateurs afin que cesse l’effusion
de sang. En réalité, sa mission était d’étudier l’appui que les radicaux
vaudois pourraient apporter à leurs amis genevois si le besoin s’en faisait
sentir. C’est ainsi que des sections de la milice vaudoise avaient été
mobilisées, sous prétexte d’empêcher la marche éventuelle vers Genève de corps
francs opposés aux amis de Fazy. En fait, il s’agissait plutôt de tenir sous
les armes une force d’appoint pour les radicaux genevois, dans le cas où leur
mouvement aurait rencontré une trop forte résistance, précisa le docteur
Vuippens.
    — C’eût été l’ingérence caractérisée d’un canton dans
les affaires intérieures d’un autre, jeta quelqu’un.
    — Cela n’eût gêné ni Druey ni Fazy, dit Laviron.
    — Les événements allèrent d’un train si rapide qu’en
arrivant à Nyon, au soir du 8 octobre, Druey apprit que tout était résolu,
que la révolution radicale avait aisément triomphé à Genève, compléta Vuippens.
    — Il n’a pas ménagé ses conseils à son ami Fazy. On m’a
dit qu’il a rédigé pour lui une sorte de catéchisme révolutionnaire, reprit le
pasteur en souriant. D’après Druey, « il faut se défier des éléments
conciliateurs, qui ne sont que des bâtons dans les roues », et surtout « marcher
sans trop consulter à droite et à gauche ». Rien ne serait plus funeste à
une révolution que la perte de temps, les incertitudes, les atermoiements. Il
faut agir plutôt que délibérer, il faut « stupéfier ses adversaires et
commander l’étonnement général par des mesures droites, franches, prises sans
hésitation, avec résolution ». Il faut écarter les amis trop tièdes. Quant
au sort des fonctionnaires genevois, Druey conseille de le régler comme il a
réglé celui des fonctionnaires vaudois. S’ils ne se rallient pas immédiatement,
il faut « les révoquer et les remplacer par des hommes de confiance ».
Cette sorte de nettoyage vise aussi les professeurs et les pasteurs, qui ne
doivent en aucun cas se mêler des affaires de l’État ! C’est ainsi que le
radicalisme devient omnipotent, conclut paisiblement le vieux pasteur.
    À la fin du repas, ce soir-là, on porta un toast à Annette
Bonnaveau, l’épicière-poète veveysanne de la rue d’Italie, dont tout le monde
connaissait les sentiments conservateurs. Furieuse qu’au lendemain de la
Révolution de février 45 on eût osé planter devant son épicerie un arbre
de la liberté, elle avait publié ce quatrain vengeur :
     
    Ils auraient
dû prendre le chêne
    Pour leur
arbre de liberté
    Il aurait
nourri de sa graine
    Tous les cochons
qui l’ont planté !
     
    L’irascible Annette n’était pas la seule à se moquer du
nouveau régime vaudois, et Vuippens fit circuler un petit pamphlet anonyme, intitulé Propos en l’air à propos d’un événement du jour, imprimé à Lausanne par
l’ingrat Bonamici et distribué « chez tous les libraires du canton ».
    L’auteur écrivait : « Ce qui a surtout souffert de
la Révolution de février, c’est la langue française. Je sais bien qu’elle n’a
pas toujours eu lieu de se louer des procédés du pays à son égard ; mais, jamais,
il ne lui était arrivé d’être méprisée à l’égal de ce qu’elle est maintenant, même
en haut lieu ; depuis les Suisses qui ont été “aux prises ensemble”, jusqu’aux
fonctionnaires qu’on “a invités à inviter” dans une missive récente. » Les
amis des Métaz s’interrogèrent longuement,

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