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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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mais en vain, sur l’identité d’un
auteur qui osait s’en prendre à ce dont M. Druey était, paraît-il, le plus
fier, son style !
    Les invités d’Axel, parmi lesquels se trouvaient des
libéraux et même des radicaux convaincus, comme Samuel Fornaz, tombèrent d’accord
pour reconnaître qu’en un an et demi Druey avait perdu une part du respect et
de la confiance que beaucoup de Vaudois, même opposants, lui avaient accordés. On
lui reprochait le schisme suicidaire de l’Église nationale et, aussi, la
destruction de l’Académie qui avait perdu onze des douze professeurs à l’origine
de sa réputation. Dénoncés, suivant les jours, par les radicaux comme
méthodistes, momiers ou aristocrates, ces maîtres enseignaient dans des
instituts privés ou d’autres académies cantonales, enchantés de les accueillir.
Il était courant, depuis quelques mois, d’entendre nommer Henri Druey, despote,
tyran, dictateur et, par les plus indulgents, prince Henri joli. Certains lui
trouvaient même, depuis qu’il avait grossi, une ressemblance physique avec
Louis-Philippe ! Circulaient aussi des chansons satiriques de plus ou
moins bon goût, dont l’une, sur l’air fameux de Cadet Rousselle. Reprise
dans les réunions anti-radicales, celle-ci contenait une référence triviale au
physique du tribun et une allusion, sans doute diffamatoire, à sa vie privée.
     
    Maître Essoufflard
est gros et gras,
    Il jouit de
certains appas.
    La Marquise n’est
pas de même,
    Car elle est
maigre, sèche et blême.
    Ah ! Ah !
oui vraiment !
    Maître
Essoufflard est bon enfant.
     
    — Qui est donc cette marquise ? demanda M me  Laviron.
    — Il s’agit d’une modiste de Lausanne, assez
hospitalière, que l’on dit être, ou avoir été, la maîtresse de Druey [192] mais ce sont
sans doute des ragots malveillants, peut-être encouragés par la personne en
question, dit M me  de Fontsalte.
    — On prête facilement des maîtresses aux hommes publics
et même aux autres, remarqua Élise.
     
    Axel apprit, quelques jours plus tard, par sa mère, à
Beauregard, que Charles Dickens se trouvait à Genève pendant les émeutes d’octobre.
L’écrivain logeait à l’hôtel des Bergues et racontait partout qu’un boulet
avait frappé le mur, sous la fenêtre de sa chambre !
    À ceux qu’il rencontra à son retour à Lausanne, Dickens
confia aussi son étonnement d’avoir vu les émeutiers, dès le lendemain des
affrontements, réparer avec entrain les ponts qu’ils avaient incendiés et les
ouvriers du quartier Saint-Gervais se rendre au travail, comme s’il ne s’était
rien passé. Il s’étonna encore plus du respect qu’avaient montré les insurgés
pour la propriété particulière, notamment pour les vitrines d’une grande
bijouterie et la riche collection de tableaux de James Fazy.
    Les Lausannoises, dont la plupart lisaient maintenant les
œuvres de l’auteur anglais, afin de pouvoir soutenir la conversation à l’heure
du thé, recueillaient avec intérêt les anecdotes se rapportant à l’illustre
visiteur. Toutes escomptaient que Lausanne servirait de décor au prochain roman
de Dickens [193] .
Aussi furent-elles désappointées quand on apprit, fin novembre, que l’auteur
faisait des préparatifs de départ pour Paris. En quelques jours, l’argenterie, la
vaisselle, les bibelots furent emballés et, le 15 novembre, les Dickens, épouse
enceinte, belle-sœur dévouée, enfants, domestiques, chien et bagages prirent la
route de Paris dans trois voitures. L’écrivain paraissait d’autant plus
enchanté de son séjour qu’il avait expédié à John Forster la troisième
livraison de Dombey and Son et achevé un conte de Noël, The Battle of
Life.
    Blaise de Fontsalte confia, un soir, à Axel que M. Dickens
n’avait pas été le seul Anglais présent à Genève, avant ou pendant les journées
révolutionnaires. M. Robert Peel junior, secrétaire de la légation de
Grande-Bretagne à Berne et fils de Robert Peel, le Premier ministre de la reine
Victoria, s’y trouvait en juillet.
    — Quand on sait comment la Grande-Bretagne, au
contraire de la France et de l’Autriche, soutient les cantons protestants
libéraux contre les cantons catholiques du Sonderbund, on est en droit de se
demander si le diplomate visitait Genève en simple touriste, dit le général. Ce
dernier avait aussi noté, d’après le rapport d’un ancien de l’Empire, introduit
auprès de la police genevoise,

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