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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dérangé ! observa
Vuippens.
    — Cela démontre, surtout, que l’affaire des jésuites n’est
qu’un prétexte. Ce que veulent les radicaux, c’est la maîtrise de tous les
gouvernements cantonaux. N’ayant pas la patience de l’obtenir par le suffrage
universel, ils envisagent, de gaieté de cœur, de la prendre par les armes en
négligeant les risques sanglants d’une telle entreprise, compléta Axel.
    — Les Français qui ont approché Ochsenbein ces temps-ci
disent tous qu’il a du mal à dissimuler son désir évident d’une revanche sur
les Lucernois, qui mirent en déroute ses corps francs, précisa Blaise.
    — Que faire, alors, pour éviter la guerre, que M. Ochsenbein
envisage aussi légèrement d’engager contre des gens qui ne font que défendre
leur indépendance, comme autrefois nos ancêtres du Grütli contre les
oppresseurs ? demanda Charlotte.
    — La sagesse commanderait aux cantons de la ligue de
renvoyer les jésuites, avec ou sans l’assentiment du pape. Cela ôterait tout
prétexte à l’autre parti, risqua Axel.
    — Les progressistes, comme ils se nomment, trouveraient
une autre raison d’en découdre. Les radicaux anticléricaux veulent mater les
catholiques, en même temps que tenir l’Église réformée sous leur coupe, comme
ils l’on fait dans le pays de Vaud. J’espère mourir avant de voir une Suisse socialiste,
lança Charlotte.
    Ce genre de discussion, voire de dispute, eut cours tout l’été,
dans d’innombrables familles de la Romandie, divisées par le conflit politico-religieux
le plus grave que la Confédération eût connu depuis sa fondation. On vit des
amis de toujours en venir aux mains, des pères et des fils s’invectiver, des
époux se reprocher mutuellement leur choix, des femmes s’injurier au marché, des
commerçants abandonnés par des clients d’opinion opposée à la leur, des
collégiens se colleter à la sortie de l’école.
    Dans le cercle Fontsalte, où l’on aurait pu craindre des
affrontements verbaux entre Charlotte, Flora et Tignasse, catholiques, esprits
conservateurs, zélatrices des jésuites d’une part, et Élise, fille de pasteur, esprit
libéral, opposée à la présence des jésuites à la robe noire, d’autre part, la
sagesse et la tolérance l’emportèrent toujours. Toutes ces femmes se rassemblaient
pour dire qu’il fallait à tout prix éviter la guerre entre les cantons et trouver,
par un échange de concessions, le moyen de maintenir, à la fois, la paix et l’unité
de la Confédération.
    Des sept cantons du Sonderbund, le Valais fut le premier à
faire savoir à la Diète qu’il s’opposerait « à la force par la force ».
Et cela après une votation cantonale qui révéla aux Vaudois, stupéfiés et
inquiets, que douze mille deux cent soixante-huit citoyens valaisans étaient
prêts à se battre pour défendre l’indépendance de leur canton, alors que deux
cent cinquante-sept seulement désapprouvaient leur gouvernement ! Immédiatement,
une compagnie des milices vaudoises fut envoyée au pas de Cheville, sur la
commune de Bex, pour garder, à plus de deux mille mètres d’altitude, le passage
conduisant de Bex en Valais ! Cette rodomontade amusa les Veveysans. D’abord
parce que le Valais ne menaçait nullement le pays de Vaud, ensuite parce que
les Valaisans pouvaient emprunter des chemins plus aisés pour entrer dans le canton.
    À dater de ce jour, les adversaires ne dissimulèrent plus
leurs préparatifs guerriers. Le 16 octobre, un conseil de guerre du
Sonderbund, réuni à Lucerne, ordonna la mobilisation de l’élite et des officiers
de la Landwehr. Deux jours plus tard la Diète fédérale répliqua en décrétant la
mise sur pied des contingents d’élite fédéraux dans tous les cantons. Le 19, on
apprit que la ligue avait choisi son général, le colonel Ulrich von
Salis-Soglio, un protestant de Coire, canton des Grisons, officier d’une grande
force physique et d’un rare courage, ancien colonel de cuirassiers au service
de Hollande.
    La Diète, pour ne pas être en reste, se devait, elle aussi, de
désigner un commandant en chef. Bien que Druey et les députés de Genève et de
Soleure eussent préféré le colonel Jean-Louis Rilliet de Constant, libéral
rallié aux radicaux depuis la Révolution fazyste de 1846, on choisit, sagement,
le quartier-maître général [198] de la Confédération,
Guillaume Henri Dufour, qu’on éleva aussitôt au grade de général. Ce

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