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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bâtons ferrés ! Ces soldats d’appoint erraient en
ville, campaient sur les places, nourris par la population et bénis par les
jésuites et les prêtres.
    À la demande du nouvel évêque, M gr  Marilley,
que le gouvernement genevois n’avait pas voulu comme curé en 1843 et qui avait
succédé depuis un an à M gr  Yenni, on faisait des processions à
travers villes et campagnes. Dans toutes les églises, on disait des messes, partout
on récitait des prières pour obtenir la protection divine. Des abbés distribuaient
aux défenseurs de la cité des médailles de l’immaculée Conception, fort prisées
depuis que l’une d’elles avait arrêté, sur la poitrine d’un vieux soldat, une
balle tirée à l’exercice par un camarade maladroit.
    Les fédéraux apprirent aussi que Fribourg comptait sur les
diversions promises par Lucerne et le Valais, dont les armées pourraient
prendre à revers celles de la Diète, mais ils ne purent avoir confirmation que
des troupes françaises, commandées par le général Voirol, attendaient à
Besançon un ordre du gouvernement de Louis-Philippe pour entrer en Suisse et
soutenir les cantons sécessionnistes. Le fait qu’un bateau, l’ Industriel, naviguant
sur le lac de Neuchâtel, eût été arraisonné par les Vaudois qui le croyaient
chargé d’armes françaises, puis transformé au mépris de toute légalité en
garde-côtes fédéral, augmentait les craintes de l’état-major.
    Pendant ce temps, l’armée fédérale piétinait sous la pluie, attendant
des ordres qui ne venaient pas. Axel vit les foudres de guerre, comme l’avocat
Jules Eytel, capitaine de trente ans, membre du Grand Conseil vaudois, qui commandait
un bataillon, et le colonel Bundi, imaginer une attaque contre la position
fribourgeoise du Guintzet, que les Vaudois avaient en vue. Les éclaireurs
décrivirent une redoute, constituée par une suite de batteries à barbettes
renforcée par des gabions, des palissades et des abris crénelés solidement
établis entre les routes de Payerne et de Bulle qui convergeaient vers la ville.
Il y avait là de quoi refroidir les ardeurs combatives des troupiers, moins
impatients d’en découdre que les porteurs de galons. Le moral remonta cependant
quand on apprit que les troupes bernoises, bâloises, soleuroises, argoviennes
et zurichoises avaient pris position au nord et à l’est de Fribourg et que le
général Dufour avait installé son quartier général à Belfaux à moins de deux
lieues de la ville. Fribourg se trouvait ainsi encerclée par plus de
trente-huit mille hommes disposant de soixante-dix pièces d’artillerie.
    — Nous ne ferons qu’une bouchée des jésuites et des
aristos, clamaient les plus fougueux.
    Envoyé au quartier général pour livrer un rapport de Rilliet
à Dufour, Axel en rapporta un ordre du jour aux « Soldats confédérés »,
que le commandant en chef avait rédigé le 5 novembre avant de quitter
Berne.
    Après avoir rappelé les raisons de la mobilisation –
« tirer le pays d’un état d’incertitude et d’angoisse qui ne saurait se
prolonger sans causer une ruine générale » – le commandant en chef
écrivait : « Je mets sous votre sauvegarde les enfants, les femmes, les
vieillards et les ministres de la religion. Celui qui porte la main sur une
personne inoffensive se déshonore et souille son drapeau. Les prisonniers, et
surtout les blessés, méritent d’autant plus vos égards et votre compassion que
vous vous êtes souvent trouvés avec eux dans les mêmes camps.
    » Vous ne ferez aucun dégât inutile dans les campagnes
et vous saurez supporter les privations momentanées que la saison peut amener, malgré
les soins qui seront pris pour fournir à vos besoins. Vos chefs les
supporteront avec vous ; écoutez leur voix et suivez l’exemple qu’ils vous
donneront. Il y a souvent plus de mérite à supporter les fatigues et les
privations de la vie militaire qu’à déployer du courage sur un champ de
bataille.
    » Mais, si tout se passe comme je l’espère, la campagne
ne sera pas longue et vous rentrerez dans vos foyers avec la satisfaction d’avoir
accompli une grande mission et rendu à la Patrie un service signalé, en la
remettant en position de faire respecter, au besoin, son indépendance et sa
neutralité. »
    Ces phrases prouvaient combien la mission du général Dufour
était rude et douloureuse pour un patriote confédéré de sa trempe. En exigeant
de chaque soldat

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