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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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grand
ingénieur, polytechnicien, brillant officier du génie, à qui Genève devait ses
embellissements et ses ponts de fer, n’accepta pas d’un cœur léger la conduite
d’une guerre fratricide. Âgé de soixante ans, il tenta, d’abord, de refuser
cette nomination puis, l’ayant acceptée par devoir, car il estimait primordiale
l’unité de la Confédération, il refusa de prêter serment tant que la Diète n’eut
pas exactement défini sa mission. Ce patriote humaniste entendait ne pas « mettre
son honneur en jeu à la légère ». Il prévint la Diète qu’il refuserait
toujours d’entreprendre des actions non prévues par les règlements en vigueur
et qu’il n’exercerait aucune pression sur les gouvernements cantonaux qui
refusaient de fournir leurs contingents légaux à l’armée fédérale. Ayant obtenu
satisfaction, il prit ses fonctions, tout en déplorant « le zèle
intempestif » du gouvernement vaudois, qui avait déjà mobilisé deux fois
plus d’hommes que ne le prévoyait le règlement. Henri Druey avait soutenu la
candidature de Rilliet de Constant et regrettait que le général Dufour restât
libre du choix de ses officiers. Le politicien vaudois était de ceux qui
eussent imposé des chefs de corps favorables aux thèses radicales.
    Dès le 11 octobre, le gouvernement vaudois avait fait
ouvrir, à Lausanne, un bureau de recrutement pour volontaires. Le premier jour,
plus de cinq cents hommes s’étaient présentés, dont Samuel Fornaz, à qui Axel
Métaz n’avait pu refuser la permission de s’engager, la vendange étant terminée
et le vin nouveau mis en cuve. Le contremaître du vignoble Métaz avait cessé de
s’enivrer depuis qu’il trouvait dans le militantisme radical une compensation à
sa déception sentimentale. Sa détestation des catholiques, tous associés aux
jésuites dans son esprit, tenait surtout au fait que sa fiancée lui avait été
enlevée par le fils d’un notable fribourgeois.
    Le capitaine Axel Métaz fut appelé, le 18 octobre, pour
une semaine d’instruction à Moudon, où Rilliet avait installé le quartier
général de sa division. Celle-ci, forte de quatre brigades, au total plus de
treize mille hommes, était composée, pour l’essentiel, de troupes vaudoises, auxquelles
se joindraient deux bataillons genevois et l’artillerie du commandant Empaytaz,
de Genève.
    Élise sut contenir l’inquiétude que ressent toute épouse qui
voit son mari partir pour la guerre. Femme de devoir, elle acceptait de voir
Axel faire le sien, sachant qu’il se conduirait sans témérité ni faiblesse. Elle
avait, elle-même, choisi, avec plusieurs épouses de pasteurs et d’autres dames
d’œuvres, de se faire infirmière bénévole. Ces Veveysannes se rendraient, sur
convocation, à l’hôtel des Bains, à Yverdon, où cinquante lits avaient été
réquisitionnés pour accueillir d’éventuels blessés.
    Quand Pernette eut recousu en geignant les boutons et
repassé, avec soin, l’uniforme de son maître, Axel endossa sa tenue, se coiffa
du shako à pompon et se prépara à dire au revoir aux siens, sans plus d’effusion
et du même ton dont il usait quand il partait en voyage d’affaires. Vincent, dont
on allait fêter dans un mois le treizième anniversaire, arrivait déjà à l’épaule
de son père. Il avait tenu à polir le sabre du capitaine avant de lui passer
son baudrier blanc, avec l’onction d’un prélat adoubant un chevalier. Bertrand,
serré contre sa mère, retenait ses larmes. Plus que son aîné, il devinait que
leur père allait courir d’obscurs dangers. La pensée qu’ils pourraient ne pas
le revoir le rendait muet.
    Quand Louis Vuippens, lui aussi appelé avec le contingent
fédéral, apparut, toute la famille éclata de rire. Le médecin arborait une
étrange tenue. Ne possédant pas de capote, ayant égaré son shako, il avait
endossé une vieille redingote marron pour se protéger du froid et s’était
coiffé d’un feutre fatigué, auquel Vincent s’empressa d’ajouter deux plumes
arrachées à une poule, afin que le docteur eut l’air d’un mousquetaire.
    Les deux amis se mirent en selle dans la cour de Rive-Reine,
sous le regard de la mère Chatard et de son chat. La commère, penchée à sa fenêtre,
crut indispensable de souhaiter aux mobilisés « beaucoup de jésuites à
fouetter ».
    L’officier et le médecin prirent ensemble, au petit trot, la
route de Lausanne et dépassèrent deux compagnies de

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