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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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guerre.
    Des hommes avinés envahirent les couvents, aussi bien que
les bâtiments publics, transformèrent en chambrées la salle historique du Grand
Conseil et le Tribunal dont ils détruisirent les poêles, cassèrent les horloges,
brisèrent les pupitres. D’autres dévastèrent le lycée, se répartirent le
précieux contenu d’un médaillier. L’église du collège Saint-Michel et celle des
Liguoriens furent saccagées. Certains vases sacrés disparurent, des ciboires
servirent de hanap aux buveurs, des ostensoirs furent jetés dans les rues. On
vit des reliques de saints dans les ruisseaux. Axel tenta vainement d’intervenir
pour empêcher des Argoviens d’enfouir dans leur sac les effets des soixante pensionnaires
français du collège Saint-Michel que, bien inspiré, l’ambassadeur de France
était venu chercher la veille pour les conduire à Berne. En parcourant le
pensionnat, il vit un piano et des instruments de musique fracassés et, dans la
salle réservée aux sciences naturelles, cornues et appareils de physique
réduits en pièces. Comme il entrait à l’hôpital pour tenter de faire un état
des blessés, il rencontra Vuippens, lui aussi harassé et fort en colère contre
ces soudards, qui n’avaient même pas l’excuse d’avoir combattu. Dans les caves
de l’hôpital, des rustres, après avoir empli de vin tous les récipients dont
ils disposaient, seaux et cruches compris, avaient défoncé des tonneaux, et le
vin qu’ils n’avaient pu ingurgiter ou emporter inondait les corridors.
    — À défaut d’avoir fait couler beaucoup de sang, ils
auront fait couler beaucoup de vin ! dit le médecin, amer.
    L’ordonnance Armand Bonjour, ayant trouvé, en face de l’église
des Cordeliers, dans un vieil hôtel médiéval, un abri pour le bureau du
capitaine et des chambres, installa le portemanteau d’Axel. Le Veveysan se mit
aussitôt au travail.
    Le lundi, la cité commença à se vider, à la demande
impérative du quartier général, d’une partie des militaires occupants. Les
troupes étaient maintenant dirigées vers Lucerne où les fédéraux s’attendaient
à une plus forte résistance qu’à Fribourg, ville isolée qui n’avait pu recevoir
les renforts du Valais réclamés et vainement attendus. Les rapports des ambulances
lui étant parvenus par des estafettes, Axel Métaz put, dès le lundi soir, fournir
un premier bilan de l’échauffourée du fort Saint-Jacques. Les bataillons
vaudois déploraient quinze morts et soixante-cinq blessés. Axel découvrit avec
satisfaction que Vevey ne comptait qu’un blessé, Ami Genoud, un voiturier qui
conduisait un char de vivres et qui avait reçu une balle dans la main. Vuippens,
qui rejoignit son ami, lui révéla que les Fribourgeois n’avaient perdu que deux
hommes et quelques blessés légers.
    Tandis que la troupe occupante prenait ses quartiers, une
assemblée populaire se tint sur la place de l’hôtel de ville. Les radicaux fribourgeois,
auxquels se rallièrent les libéraux plus modérés et les opportunistes d’habitude,
nommèrent un gouvernement provisoire, la plupart des membres du Conseil d’État
ayant quitté la ville, comme le général Maillardoz, dès la capitulation. On
proposa de déchoir les élus conservateurs de leurs droits politiques, on
destitua des fonctionnaires et le parti qui devait le pouvoir à l’armée
fédérale décréta le bannissement à perpétuité des jésuites, liguoriens, frères
de Marie, sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, de Saint-Joseph et du Sacré-Cœur. Les
hommes noirs avaient déjà quitté Fribourg et plusieurs prêtres séculiers firent
de même, un peu plus tard, en apprenant, le 16 novembre, la découverte
dans une forêt du cadavre du curé de Villars-les-Joncs, M. Duc. Le corps
fut examiné par le docteur Hoffmann, ancien professeur de médecine légale à l’université
de Lausanne, qui releva trois blessures mortelles par arme à feu et deux autres
par arme blanche. Le juge d’instruction Schaub, capitaine au bataillon genevois,
conduisit l’information judiciaire, et les Vaudois apprirent avec soulagement
que les auteurs du crime étaient quatre carabiniers bernois de la 5 e  compagnie
du bataillon Dietler. Le lundi 15 novembre, ces hommes avaient forcé la
porte du presbytère et blessé la servante d’un coup de feu. N’ayant trouvé dans
la maison qu’un homme vêtu en paysan, ils avaient flairé le déguisement et
aisément identifié un prêtre à sa

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