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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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Neipperg, de vingt ans l’aîné de Marie-Louise, avait
succombé à une aortite consécutive à la fréquence des étreintes amoureuses
exigées par l’insatiable duchesse de Parme, à qui il avait fait trois enfants.
    Dans le même temps, un autre événement éveilla l’intérêt, puis
la colère, des bonapartistes. Le 22 février, une pétition, revêtue de
trente mille signatures, avait été présentée à la Chambre française, demandant
à Louis-Philippe de « faire rouvrir le territoire français à tous les
membres de la famille Bonaparte ». Le maréchal Soult, président du Conseil,
intervint devant les députés en confirmant que « la résolution du
gouvernement de prolonger l’exil de la famille de Napoléon était positive et
maintenant inébranlable ». Tel l’apôtre Pierre à Gethsémani, Soult venait
de renier, pour la troisième fois, celui qui avait fait sa fortune et sa
notoriété. L’intransigeance vindicative du duc de Dalmatie augmenta encore le
mépris qu’inspirait aux fidèles grognards cet homme que le général
Henri-François Delaborde, mort un an plus tôt, disait être, en 1809 déjà, de la
race des corbeaux ».
    Axel ne manquait pas, chaque fois qu’il se rendait à Genève
pour affaires, d’aller au café Papon offrir un pichet de vin du Mandement de
Satigny aux derniers grognards qui préféraient encore l’exil à la France orléaniste.
Plusieurs de ceux qu’il avait connus, à l’époque où Adriana lui confiait des missions,
avaient disparu, emportés par la mort ou partis enseigner le français en Russie,
dans les Balkans, en Algérie ou en Amérique. Pour la plupart issus du peuple, ces
retraités des combats, portés par la Révolution et la fortune impériale, avaient
connu, en achetant leurs galons de capitaine ou de colonel au prix du sang, une
élévation sociale que leur eût interdite, sous les Bourbons, une trop modeste
origine. La restauration royaliste les avait rendus à leur condition antérieure
avec, au cœur et à l’esprit, le regret des temps héroïques. Orphelins de
Napoléon, veufs de la France, dédaignés par un peuple veule et versatile, voués
à la méfiance des politiques, surveillés par toutes les polices, ils se disaient
eux-mêmes les cocus de l’Histoire et remâchaient leurs rancœurs dans les cafés
de Paris, de Bruxelles ou de Genève, en tirant sur leurs vieilles pipes, culottées
entre deux batailles.
    — On ne veut plus de nous nulle part, disait l’un d’eux.
Tout le monde souhaite nous voir disparaître. Le nouveau maître de la France et
ses valets, parce que nous sommes à leurs yeux des régicides en puissance ;
les anciens de l’Empire, passés par esprit de lucre et goût des honneurs au
service des tyrans que nous avons combattus, parce que nous sommes, pour ces
apostats et ces relaps, ces reproches vivants ; les Suisses, enfin, parce
qu’ils craignent que nos discours et nos pamphlets ne les fâchent avec leurs
puissants voisins, Louis-Philippe, le roi de Prusse, l’empereur François II,
le grand-duc de Bade ou le tsar !
    Moustache arrogante, sanglés dans des redingotes cintrées
comme des dolmans, verdies et rapiécées, portant leur canne en verrouil comme
autrefois le sabre, le ruban rouge ostensible à la boutonnière, ils dépensaient
leur demi-solde – soixante-dix francs pour les capitaines, quarante pour
les lieutenants, plus cent vingt-cinq francs pour tous les titulaires de la
Légion d’honneur – en journaux, en livres, en vin et en saucisses. Grinchus,
querelleurs, intolérants, contempteurs des princes, le verbe haut, ils avaient,
au cours des ans, embelli leurs faits d’armes, multiplié leurs bonnes fortunes,
oublié leurs douleurs, déifié l’ogre corse, le petit tondu, l’homme à la redingote
grise, qui les avait promus boutefeux de la Révolution et colporteurs des Encyclopédistes,
en ne leur offrant qu’une alternative : la victoire ou la mort. Ils
étaient vingt mille en 1815, classés par le gouvernement de Louis XVIII en
quatorze catégories, suivant leur attitude face à la monarchie renaissante. En
1825, sous Charles X, cinq mille émargeaient encore comme demi-solde au
chef-lieu de canton de leur département d’origine, où ils étaient assignés à résidence.
Mais depuis que Louis-Philippe, par opportunisme politique plus que par
mansuétude, proposait aux anciens soldats de Napoléon une réintégration dans l’armée,
pour peu qu’ils fissent
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