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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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amende honorable, leurs rangs s’étaient encore
éclaircis. Ceux que l’on voyait attablés, à Paris, au café Lamblin ou chez
Lebel, à Genève, au café Papon, constituaient le dernier carré bonapartiste de
stricte obédience. Depuis quelque temps, certains, sans trop le manifester, plaçaient
leurs espérances revanchardes dans Louis Napoléon, le neveu, auquel un Suisse, polytechnicien
français, ingénieur et urbaniste, le colonel Guillaume Henri Dufour, enseignait,
au collège militaire de Thoune, l’art de la guerre.
    Cet homme exceptionnel, Axel et Élise devaient le rencontrer
à Genève, le 1 er  mai 1834, lors de l’inauguration de l’hôtel
des Bergues. Conseillé par Pierre-Antoine Laviron, Métaz avait acquis, dès 1830,
des actions de la Société des Bergues qui envisageait de construire, sur la
rive droite du lac, un quai, et, à l’emplacement de l’ancienne fabrique d’indiennes
des frères Fazy, un grand hôtel, dans le style néo-classique mis au goût du
jour par les Anglais. L’ingénieur cantonal Dufour, constructeur des premiers
ponts en fil de fer de la ville, avait été chargé par le conseil d’administration
de la Société des Bergues d’établir le cahier des charges soumis aux
architectes désireux de concourir pour la construction du palace. Pour ce faire,
M. Dufour avait visité l’hôtel Meurice, rue de Rivoli, à Paris. Cet établissement,
élevé en 1830 sur l’emplacement de l’ancien hôtel Wagram, bâti sous l’Empire, passait
pour un modèle du genre. Son gérant, M. Lailliez, directeur de l’établissement,
avait été formel. Une cour spacieuse, de bonnes remises et des écuries à
distance de la résidence, un bar, un salon de thé, une grande cuisine, une
salle de quatre-vingts couverts pour les dîners, une salle pour les déjeuners, une
salle de lecture et de réunions, une salle de repos pour les domestiques, des
latrines à l’anglaise à chaque étage, un bureau des informations, des appartements
divisibles à la demande en chambres indépendantes, un accueil très courtois, le
respect du client, une domesticité stylée, polyglotte et attentive, constituaient
les éléments indispensables à la réussite hôtelière.
    L’achèvement du quai des Bergues, pour lequel l’entreprise
Métaz avait fourni des tonnes de pierres de Meillerie et des bois de charpente,
avait pris quatre années : un nouveau pont suspendu, reliant les deux
rives de la rade et, par un embranchement, l’île aux Barques, ancien arsenal
fortifié en 1583 par Nicolas Bogueret, avait été construit. De la rive droite, entre
Longemalle et la Fusterie, les promeneurs découvraient maintenant la façade
crémeuse de l’hôtel des Bergues qui dominait le quai du même nom. Pour s’y
rendre à pied, à cheval ou en voiture, il suffirait d’emprunter le nouveau pont
qui serait officiellement ouvert à la circulation le 9 mai.
    C’est en compagnie de Pierre-Antoine Laviron, membre
influent de la Société des Bergues, que les Métaz visitèrent l’hôtel. Le
banquier révéla son coût, un million cent mille florins, soit plus de cinq cent
mille francs, presque le double du devis initial. Avec sa longue façade
classique, son fronton triangulaire de temple grec, ses trois étages et attique
sur rez-de-chaussée où s’installeraient des commerces de luxe et un grand café,
son entrée à cinq arches et, sur le toit, un belvédère d’où l’on découvrait la
ville, serrée autour de la cathédrale Saint-Pierre, le Salève, le lac, jusqu’à
Bellerive et Versoix, et, au loin, le mont Blanc, pyramide de neige, le premier
palace de Suisse faisait honneur à Genève et pouvait rivaliser avec ceux de
Londres et de Paris. L’architecte lyonnais, Augustin Miciol, lauréat du
concours, et son confrère genevois François-Ulrich Vaucher, qui avaient dirigé
les travaux, furent chaudement félicités par la gentry genevoise qui se
pressait dans les salons. On s’extasiait rêvant le bel escalier de marbre, les
proportions du hall, les tapis, les tentures, le bon goût du décor, l’organisation
des cuisines, où s’affairaient chefs et marmitons en train de préparer le
banquet inaugural.
    Le directeur gestionnaire de l’hôtel, M. Alexandre
Emmanuel Rufenacht, ancien capitaine au régiment suisse de Steiger, au service
de France, avait participé à la campagne de Russie et reçu une blessure au
passage de la Berezina. Militaire, il dirigeait militairement le
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