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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’équipe Chaley qui avait entendu la réflexion de M me  de Fontsalte.
    — J’ai la sensation qu’il vibre, qu’il fléchit, qu’il
se balance sous nos pieds, reprit Charlotte, apeurée, en serrant plus fort les
bras de Blaise et d’Axel qui l’encadraient.
    — Ce fléchissement que vous croyez percevoir est prévu,
il a été calculé, reprit le jeune homme. Le pont a été éprouvé le 15 octobre,
madame. Quatorze canons, traînés par trente-huit chevaux, divisés en deux
groupes, allant à la rencontre l’un de l’autre, l’ont traversé en se croisant
au milieu de l’ouvrage. Eh bien, pendant le passage des attelages, une charge
évaluée à mille deux cents quintaux, nous n’avons constaté qu’une faible et
normale oscillation du tablier. Les câbles n’eurent pas un fil rompu, madame, conclut
le jeune mécanicien avec fierté.
    En revenant d’un pas plus léger vers la ville, pour assister
au banquet officiel offert par le gouvernement fribourgeois à l’ingénieur
Joseph Chaley, à son contremaître M. Laforge, aux maîtres et ouvriers qui
avaient construit le pont et aux invités de marque, dont l’ambassadeur de France
venu de Berne, Charlotte fit observer qu’au milieu des oriflammes aux armes
colorées des cantons qui décoraient les rues, le blason de Fribourg paraissait
bien austère.
    — Ce blanc et ce noir font demi-deuil, ne trouvez-vous
pas ? dit-elle, redevenue badine depuis qu’elle marchait à nouveau sur la
terre ferme.
    — L’écu fribourgeois n’est pas blanc et noir, Dorette.
Un héraldiste dirait : « coupé de sable et d’argent »… c’est
tout de même mieux que blanc et noir, non ? lui glissa Blaise qui savait l’art
du blason.
    Au cours du banquet, auquel assistaient les actionnaires de
la Société du pont, les Fontsalte apprirent que Joseph Chaley et son équipe s’en
iraient bientôt construire un autre pont dans le Valais.
    Un bal paré, ouvert aux étrangers, devait clore les
festivités. Axel admira combien sa mère et Blaise avaient l’air heureux de
valser ensemble. La Veveysanne, malgré les rondeurs de l’âge, conservait grâce
et souplesse. Peu de rides, peau veloutée, cheveux blond-blanc rassemblés en un
chignon retenu sur la nuque par une pince ornée de diamants, bras potelés et
pieds fins, dont elle tirait vanité, conféraient à cette femme de
cinquante-trois ans une maturité attrayante. Au contraire de ces ex-jolies
femmes qui tentent de restaurer, par artifice, leur défunte séduction, Charlotte,
intelligente, enjouée, sobre et frugale par crainte d’embonpoint, savait
choisir les toilettes qui mettaient sa personne en valeur et faisaient dire aux
hommes, la trouvant encore désirable, leur regret de ne l’avoir pas rencontrée
plus tôt. Le général Fontsalte, le chef couvert de copeaux d’argent, traits
fermes quoique burinés aux vents des batailles, dont la carrure, le ventre plat,
la jambe longue et la taille étroite – il affirmait pouvoir encore passer
son premier uniforme de lieutenant – attiraient souvent les regards des
filles délurées, formait avec sa femme, qu’il dominait d’une tête, un couple élégant
et racé. L’aisance et l’harmonie naturelles de leurs mouvements se remarquaient
au milieu des gesticulations des danseurs alourdis par un repas copieusement
arrosé, qui sautillaient à contretemps en étreignant à plein bras leurs
cavalières, maquillées comme des poupées de tea-cosy et dont on devinait
qu’elles ne chaussaient pas souvent des souliers fins ! Axel se plaisait à
suivre du regard les évolutions des deux êtres qui, maintenant, lui étaient
également chers, quand une voix fluette le fit sursauter.
    — Puis-je me permettre, monsieur Métaz, de vous
présenter mon mari ?
    Se retournant, Axel reconnut Marthe Jaquier, l’ex-fiancée de
Samuel Fornaz, le contremaître de son vignoble. Elle était accompagnée d’un
beau gaillard, au teint coloré, au regard vif et intelligent, qui portait l’uniforme
de la milice fribourgeoise et des galons de sous-lieutenant.
    — Maître Pierre Andret, notaire. Nous sommes mariés
depuis un mois, dit la jeune femme, radieuse.
    — Notaire ou militaire ? demanda Axel avec le
sourire en serrant la main franchement tendue.
    — Ma compagnie de carabiniers était de piquet pour
assurer le service lors de l’inauguration du pont, monsieur, ce qui explique ma
tenue.
    — Elle vous va fort bien et je vous fais aussi

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