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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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superstitieux retourne à l’oratoire
ignoré auquel il attribue une occulte puissance.
    Naviguer seul sur le lac, chasser le chamois en Valais avec Blaise
et Louis Vuippens, entendre un concert ou assister, avec Élise élégamment parée,
à une représentation théâtrale à Genève, Lausanne, même Vevey, où se
produisaient maintenant des troupes de passage, participer aux exercices de tir
des carabiniers veveysans, étaient pour Axel des distractions courantes, auxquelles
s’ajoutaient des occasions inattendues d’escapades. C’est ainsi qu’il
accompagna sa mère et Blaise de Fontsalte à Fribourg, le dimanche 19 octobre,
pour assister à l’inauguration du pont en fil de fer de Zaehringen, réputé le
plus long pont suspendu du monde, nouvel orgueil des Fribourgeois.
    Lancé au-dessus de la profonde et large crevasse où coule la
Sarine, cet ouvrage constituait un exploit technique inédit, qui attirait, depuis
le commencement des travaux, en 1832, des ingénieurs de tous les pays d’Europe.
Les aubergistes, les restaurateurs et les commerçants y voyaient, eux, une
attraction profitable car, déjà, les touristes étrangers intégraient cette
curiosité dans leur tour de Suisse.
    La vue, et surtout la traversée à pied de cet ouvrage, dû à
l’ingénieur français Joseph Chaley, impressionna les Veveysans. Prenant appui, d’une
part, côté ville, sur le bord des falaises abruptes qui protégeaient la cité
médiévale des Zaehringen, devenue le quartier animé de Bourg, d’autre part, côté
Gottéron, sur la pente du nouveau quartier du Schönberg, le pont, d’une
longueur de deux cent quarante-six mètres, dominait de cinquante et un mètres
le cours de la Sarine. Son tablier était supporté par six câbles, composés
chacun de mille cinquante-six fils de trois cent soixante-quatorze mètres de
long, qui ne formaient qu’un seul arc renversé et s’encastraient profondément
dans les puits d’amarre où ils étaient assujettis par cent vingt-huit ancres à
des blocs de pierre [36] .
    Charlotte et son mari figuraient parmi les invités officiels
car M me  de Fontsalte, née Rudmeyer, avait pris la
succession de sa défunte mère, catholique militante, dans les œuvres
diocésaines. Elle était aussi bienfaitrice de l’Association ecclésiastique, récemment
constituée, avec pour objectif de soutenir l’action des prêtres qui désiraient « se
maintenir dans l’esprit de leur état, dans l’amour de l’étude des sciences sacrées
et profanes, se communiquer leur expérience dans le saint ministère, ainsi que
les nouvelles du jour qui peuvent avoir rapport à la religion, à la morale
publique et à l’instruction des peuples [37]  ».
    Fribourg, catholique et bilingue depuis des siècles, avait
résisté à l’invasion de la Réforme. Devenue siège épiscopal, la belle cité
enlacée par la Sarine apparaissait, aux yeux des protestants, comme la capitale
suisse du catholicisme, la rivale de Genève, la Rome protestante de Calvin. L’évêque
résident, M gr  Tobie Yenni, fils d’un agriculteur de Morlon, avait,
en effet, autorité sur les diocèses de Fribourg, Genève et Lausanne, ce qui ne
plaisait guère à l’irascible abbé Vuarin, curé de Genève, qui eût préféré la
tutelle de l’évêque de Chambéry.
    L’inauguration du pont fut annoncée, dès le matin, par
vingt-deux coups de canon – un par canton – tirés de la route de Schönberg.
Toutes les cloches, et Fribourg en compte des centaines, se mirent en branle en
même temps, pour composer un carillon assourdissant, dont l’écho, rebondissant
de colline en colline, multipliait les modulations d’airain. Il s’agissait de
prévenir la population de l’arrivée, à l’entrée du pont, de monseigneur l’évêque.
Le prélat, coiffé de la mitre et crosse en main, descendit la rue des Bouchers,
accompagné du clergé fribourgeois, surplis volant au vent, et s’avança seul de
quelques pas sur le pont. Le brouhaha de la foule cessa soudain et c’est devant
une population recueillie que l’évêque bénit, d’un geste ample, l’audacieuse
construction.
    — Pourvu que cette bénédiction soit efficace, dit
Charlotte, émue par la fragilité apparente des câbles, au moment où elle fut conviée,
comme les mille huit cents invités, à emboîter le pas aux autorités qui
ouvraient la marche pour la traversée inaugurale.
    — Soyez sans crainte, madame, lança un jeune mécanicien
de

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