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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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fils, né sous un tel orage d’hiver,
dominera les tempêtes, comme Neptune, mon vieux. Au fait, comment allez-vous l’appeler,
ce garçon ? demanda le médecin.
    Le choix du prénom avait fait l’objet, depuis quelques
semaines, de conversations animées entre les époux Métaz. Si son premier enfant
avait été une fille, ce qu’elle avait espéré en secret, Élise l’eût appelé Anne,
du prénom de sa défunte mère, et Charlotte, comme la mère d’Axel. La tradition
dans la famille Delariaz voulait, en effet, que l’on donnât aux enfants les
prénoms de leurs grands-parents de même sexe. Le garçon qui venait de naître
aurait donc dû recevoir pour prénoms Henry, comme le pasteur, père d’Élise, et Blaise,
comme Fontsalte. Mais Élise n’avait pas grande sympathie pour le général et, sans
le laisser soupçonner, considérait encore sa belle-mère catholique telle la
femme adultère de l’Évangile que la clémence du Christ exempta d’une lapidation,
à ses yeux, méritée ! Aussi avait-elle suggéré, si elle donnait naissance
à un garçon, de l’appeler Henry et Guillaume.
    — Car c’est bien le malheureux Guillaume Métaz qui vous
a fait ce que vous êtes, Axel. Et d’ailleurs, vous avez conservé son nom et
vous oubliez souvent d’y ajouter Fontsalte, avait-elle argumenté, avec une
componction doucereuse qui agaçait parfois son mari.
    Cela déplut à Axel qui fit, ce jour-là, acte d’autorité en
imposant un choix hors tradition mais qui coupait court à toute discussion.
    — Mon fils se nommera Vincent, c’est le patron des
vignerons. Vincent Henri Métaz de Fontsalte. Ça sonne bien, non ? répondit-il
à Vuippens.
    — Alors, longue vie à Vincent, lança joyeusement Louis
en levant le verre de vin de Belle-Ombre que venait de remplir Lazlo, réjoui, lui
aussi, en Tsigane viril « de l’arrivée d’un mâle de plus à Rive-Reine ».
     
    Tandis que M me  Métaz de Fontsalte mettait au
monde sans difficulté ni angoisse son premier enfant, une scène curieuse se
déroulait sous l’ondée, à trois cents pas de Rive-Reine, au bord de la Veveyse.
    Alerté par l’orage et craignant une montée soudaine des eaux
qui eussent envahi sa tannerie installée au plus près de la rivière, un artisan
sortit dans la nuit, une lanterne à la main, pour évaluer le risque d’inondation.
En se penchant près du pont de pierre, sous lequel branches d’arbres et
détritus charriés par la rivière torrentueuse provoquaient souvent une
obstruction qui forçait la Veveyse à quitter son lit, il aperçut, dans l’ombre
de la voûte, une masse sombre. Croyant distinguer un amas de broussailles
englué de boue, genre d’obstacle susceptible d’entraver l’écoulement de l’eau, il
sauta sur la berge, en contrebas du quai. Élevant sa lanterne, il tenta, du
pied, de repousser ce qu’il prit de plus près pour un grand sac de jute, comme
en utilisent les paysans pour transporter maïs ou pommes de terre. Sous sa
vigoureuse poussée, le sac parut s’animer et, surprise, exhala une sorte de
plainte animale ! Interloqué, l’homme recula d’un pas, puis renouvela plus
brutalement son geste. Cette fois-ci, un cri humain, un cri de protestation, lui
répondit, en même temps qu’émergeaient des plis d’une grossière houppelande une
chevelure de gorgone, un visage maigre et maculé, un regard sombre et mauvais. Supposant
qu’il avait affaire à l’un de ces chemineaux qui vivaient de rapine et
dormaient comme des bêtes à demi sauvages dans des abris de fortune, le tanneur,
pour mieux éclairer l’inconnu, essuya d’un revers de manche le verre de sa lanterne
ruisselant de pluie.
    — Tu vas déguiller [53] dans la rivière, mon
gars. Reste pas là. Ouze ! Va-t’en dormir sous la Grenette. Tu seras au
sec. Mais émmode-toi [54] dès le jour, car, par ici, on n’aime pas les traîne-guenille.
    La tête de gorgone reparut et lança ce qui ne pouvait être
qu’un juron dans une langue inconnue du Veveysan, avant de replonger sous l’amas
d’étoffe.
    Comme le tanneur s’interrogeait sur la conduite à tenir, un passant
attardé, intrigué par la lueur de la lanterne trémulant sur les ondes de la
Veveyse, se pencha au parapet du pont.
    — Que se passe-t-il là-dessous ? A-t-on besoin d’aide ?
    — Vous tombez bien, m’sieur le Pasteur, j’ai trouvé un
drôle de colis, descendez voir un peu, dit le tanneur, reconnaissant la voix chevrotante
du vieux pasteur

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