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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’inconnue dans la
voiture. Exténuée par ses entrechats, elle avait perdu connaissance.
    Tandis que le cabriolet s’éloignait, le grincement d’un
volet incita M. Duloy à lever la tête. Le halo de sa lanterne accrocha sur
la façade le bonnet blanc de la mère Chatard. Peu désireux d’entrer en conversation
avec la commère à minuit passé, le brave pasteur s’éloigna à grands pas, espérant
ne pas avoir été reconnu.
    Mais rien n’échappait à Félicie Chatard, vigile inassouvie
de la rue du Sauveur. Durant toute la soirée, elle avait observé les
va-et-vient autour de Rive-Reine. L’arrivée de la sage-femme dans l’après-midi,
puis le retour prématuré d’Axel du Cercle du Marché, où il se rendait chaque
vendredi soir. À plus de dix heures, le départ, au galop de son cheval, de
Lazlo, le domestique tsigane qu’elle détestait. Un peu plus tard, le retour du
cavalier et, derrière lui, l’apparition du cabriolet du médecin. Ces événements
avaient annoncé, puis confirmé, pour la guetteuse, la naissance attendue depuis
plusieurs jours chez les Métaz. Félicie avait prolongé sa garde dans l’espoir d’obtenir
la seule information qui lui manquât sur l’instant, le sexe du nouveau-né. En
plein jour, elle eût traversé la rue pour aller, sous prétexte de réclamer une
poignée de sel, interroger Pernette. L’heure tardive n’avait pas permis cette
indiscrétion mais le hasard venait de lui livrer la réponse espérée. La mère Chatard,
l’œil et l’oreille aux aguets, n’avait, en effet, rien perdu de la rencontre de
M. Duloy et de Vuippens, grâce à qui elle venait d’apprendre, la première
à Vevey, que l’enfant d’Axel Métaz, un gaillard qu’elle avait vu naître, était
un garçon. Mais ce qui intriguait et échauffait plus encore l’imagination de la
commère était un fait inattendu, l’échange fort scabreux, sous sa fenêtre, entre
le pasteur et le médecin, d’une femme noire, apparemment saoule ! Tout
émoustillée et subodorant quelque intrigue scandaleuse, elle se promit de
commencer son enquête, dès potron-minet, chez l’épicière, son meilleur agent de
renseignements. Pernette, la cuisinière de Rive-Reine, s’y rendait tous les
jours, comme la bonne du pasteur Duloy.
    En se glissant dans son lit, tiédi par deux bouillottes, la
mère Chatard regretta que le cheval du docteur Vuippens, témoin privilégié, ne
fût pas, comme dans les contes, doué de la parole !
    — Et dire, gloussa-t-elle en soufflant sa chandelle, que
l’on tient Vevey pour une petite ville tranquille où jamais rien ne se passe, sauf
la fête des Vignerons… tout les vingt-cinq ans !
    Chemin faisant, Louis Vuippens réussit à faire admettre à la
femme qu’elle ne pouvait décemment pas se présenter chez les Métaz dans l’état
où il la voyait.
    — Demain, il fera jour. Vous allez vous reposer chez
moi et nous verrons à vous rendre présentable. Je suis un ami de M. Métaz.
Je connais l’histoire de cette Adriana dont vous avez parlé. Vous pouvez vous
confier à moi, je vous aiderai de mon mieux, dit le médecin, conciliant.
    — Je veux rien, que voir Axou, répéta la femme.
    À peine descendue du cabriolet, elle refusa l’hospitalité du
médecin et suivit dans l’écurie le cheval que Vuippens venait de dételer.
    — Je suis trop sale pour entrer dans votre maison. Je
vais dormir ici. Il fait chaud et j’ai l’habitude de coucher sur la paille, dit-elle.
    Le médecin, apitoyé par le délabrement physique de l’inconnue,
se garda de la contredire. Il étala deux fourchées de paille fraîche, jeta une
couverture sur cette litière et s’en fut. Au matin, si l’étrange visiteuse
était encore là, il préviendrait Axel qu’une créature sans âge et sans nom, mais
faisant référence à sa défunte demi-sœur, exigeait de le voir. Il serait mieux
pour tous, pensa Louis, que l’entrevue ne se fît pas à Rive-Reine.
    C’était compter sans l’obstination et la malignité de l’errante.
Restée seule, en compagnie du cheval, dans l’écurie obscure, elle tira de sa
sacoche militaire un reste de cierge dérobé dans une église, un briquet d’amadou,
un morceau de fromage et un quignon de pain. Accroupie sur la paille, elle se
restaura sous le regard indifférent de son compagnon. Ayant repris quelques
forces, elle se mit aussitôt en devoir de déchirer en quatre la couverture offerte
par le médecin et, avec l’assurance de

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