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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Chantenoz et Aricie, en séjour à Vevey,
apparurent, souriants, sur la terrasse, se tenant par la main.
    — Vous avez raison, Élise, dit Vuippens en riant, la
belle Aricie est bien amoureuse de Chantenoz !
    — De quoi parliez-vous ? demanda le professeur, en
entendant prononcer son nom.
    La conversation reprit sur le suicide et les considérations
qui en découlaient. Quand la fraîcheur du crépuscule chassa les amis de la
terrasse, on poursuivit tard au salon, devant un feu de bois, l’éloge funèbre
du malheureux peintre et, après trois verres de lie, Martin Chantenoz prononça
une condamnation formelle à rencontre « des femmes qui allument des
incendies qu’elles refusent d’éteindre ».
     
    Pour les protestants, l’année 1835 fut celle du troisième
centenaire [68] de la Réformation. À cette occasion, Genève entendait rappeler à l’Europe que
son passé lui valait le titre de Rome protestante. Aussi, les Genevois
tenaient-ils à organiser un jubilé qui marquât un renouveau de la Réforme, au
moment où le catholicisme envahissait la cité de Calvin. Et cela d’autant plus
aisément que le mouvement du Réveil avait divisé, affaibli, la communauté protestante
et que des esprits forts, principalement radicaux, commençaient à prôner une
certaine forme de laïcité de l’État dans une république où l’autorité
religieuse, politique et morale de la vénérable Compagnie des pasteurs n’avait
jamais été contestée.
    Élise Métaz, fille de pasteur et protestante engagée dans
toutes les œuvres paroissiales, annonça à Axel qu’elle souhaitait se rendre à
Genève fin août, pour assister à la célébration du jubilé. Son père, le pasteur
Delariaz, conduirait la délégation du consistoire bernois et sa femme l’accompagnerait.
Ce serait une occasion de réunir les deux familles pendant quelques jours.
    Les Métaz faisaient leurs préparatifs de départ, quand on
apprit, presque simultanément, à Vevey, les condamnations infligées aux canuts
lyonnais, émeutiers républicains d’avril 1834, et l’attentat auquel venait
d’échapper le roi Louis-Philippe. Le 13 août, la Chambre des pairs, siégeant
en Haute Cour, avait rendu son arrêt après un procès de trois mois. Sept
accusés étaient condamnés à la déportation. Parmi eux se trouvait Eugène Baune,
professeur et président de la section lyonnaise de la Société des Droits de l’homme,
un clerc d’avoué, un avocat, directeur du journal la Glaneuse, un
huissier à la Cour royale mais aussi un cartonnier, un boulanger et un
corroyeur. Quarante-trois autres condamnés se voyaient infliger des peines
allant de vingt ans de réclusion à un an d’emprisonnement. La Cour avait
prononcé neuf acquittements.
    Ces condamnations eussent davantage ému les Vaudois si, le
28 juillet, à Paris, le conspirateur corse Giuseppe Fieschi n’avait fait
exploser une machine infernale au passage de la voiture de Louis-Philippe, qui
se rendait à la Bastille pour célébrer l’anniversaire de la révolution de
Juillet 1830.
    Par un ancien des Affaires secrètes, qu’on ne pouvait taxer
de particulière sollicitude à l’égard du souverain, Blaise de Fontsalte reçut
un compte rendu plus objectif que celui des journaux.
    « C’était une belle journée d’été, lumineuse et chaude,
écrivait l’officier. Le roi à cheval était accompagné de ses fils, de la garde
d’honneur et du ministre de l’intérieur, M. Adolphe Thiers qui, courtaud
et mal à l’aise, offrait en selle une image assez comique. Vous savez peut-être
le méchant mot qui court Paris : “Thiers, le bien nommé, car il en faut
trois pour faire un homme.” Au moment où le cortège atteignait, sous des
acclamations nourries, l’extrémité du boulevard du Temple, une terrible
fusillade éclata. Les tirs, étrangement groupés, provenaient d’une maison
voisine du Jardin turc. Une balle frôla d’assez près le front du roi pour y laisser
une traînée de poudre, tandis que le maréchal Mortier s’effondrait, ainsi que
plusieurs membres de l’escorte, et que des passants étaient abattus par la
rafale. Une balle a emporté la cravate de François de Broglie, une autre a
percé l’oreille du cheval de Flahaut, le fils adultérin de Talleyrand. Je dois
reconnaître que Louis-Philippe ne perdit à aucun moment son sang-froid. Il
continua son chemin sur l’itinéraire prévu. De la Bastille, il gagna la place
Vendôme, y passa la revue

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