Romandie
rappelait la marche conquérante de la Réforme
à travers l’Europe.
Le principe de l’érection d’un monument à Calvin, proposé
par certains membres du Comité, ayant été rejeté, il fut décidé qu’on transporterait
et scellerait dans le temple Saint-Pierre la plaque, gravée en 1536, qui avait
figuré jusqu’en 1798 à l’hôtel de ville et que les Français avaient reléguée à
la Bibliothèque publique, où elle se trouvait encore.
Les dames furent chargées de couper et de coudre de nouveaux
rideaux pour le temple, maintenant éclairé par des vitraux colorés. Ceux-ci remplaçaient
les vitres incolores substituées par les réformateurs à certains vitraux
catholiques d’autrefois, dont les représentations de vierges et de saints
déplaisaient aux premiers protestants [69] .
Toutes les dépenses afférentes à ces dispositions devaient
être couvertes par des souscriptions.
Élise Métaz accepta, cette fois, de loger chez les Laviron, rue
des Granges, car on ne trouvait plus une seule chambre libre dans les hôtels de
Genève. Les Chantenoz, eux, disposaient encore du pied-à-terre que Martin
conservait rue des Belles-Filles. Quant aux Fontsalte et aux Béran, ils n’avaient,
en tant que catholiques, aucune raison ni envie d’assister à ce que Martin
Chantenoz appelait « la grande kermesse huguenote de Genève ». Et
cela d’autant moins que Charlotte et Blaise venaient de patronner, à Lausanne, avec
d’autres personnalités, la consécration, par M gr Yenni, de la
nouvelle église dédiée à Notre-Dame, place de la Riponne. Maintenant que Vevey,
Yverdon, Nyon, Morges et Aigle possédaient leur paroisse catholique, les
papistes, comme se plaisaient encore à les nommer les sectaires, considéraient
qu’ils avaient conquis droit de cité, même si d’autres villes, comme Rolle, tentaient
vainement d’obtenir des autorités des lieux de culte où se puissent réunir les
fidèles.
Dès le vendredi 21 août, les Métaz étaient à pied d’œuvre
pour assister à la réception des délégations étrangères, car toute l’Europe protestante
avait été invitée à Genève. Ils virent ainsi arriver M. Ammon, Conseiller
aulique et prédicateur de la cour de Saxe, M. Rohr, surintendant des
Églises du Grand-Duché de Weimar, M. Bretschneider, du Grand-Duché de Saxe-Gotha,
le président de l’Église consistoriale de Paris, le révérend William Channing, venu
de New Cambridge, États-Unis, une cinquantaine de pasteurs français, dont les
réformés de Strasbourg, Montbéliard et Mulhouse, seize pasteurs anglais, des
Irlandais, et même un ecclésiastique russe, dont on découvrit à temps qu’il
était suisse, M. de Murait, pasteur de l’Église française de
Saint-Pétersbourg. Tous les cantons avaient envoyé des représentants qui, après
les hôtes étrangers, furent comme eux, accueillis et salués par les dirigeants
de la vénérable Compagnie des pasteurs de Genève. Le pasteur Delariaz, venu
comme prévu de Berne en tête d’une délégation, fut rapidement soustrait aux
effusions de sa fille et de son gendre par ses amis genevois, ecclésiastiques, professeurs
ou membres des Conseils d’État ou représentatif. Tous étaient heureux de revoir
l’érudit protestant, dont la notoriété avait, depuis longtemps, franchi les
frontières de la Confédération. L’apparition de son épouse causa en revanche quelque
surprise. On ne s’attendait pas à voir la femme d’un ministre aussi élégante et,
surtout, « maquillée comme une sainte sulpicienne », observa
Chantenoz.
M me Delariaz, riche propriétaire bernoise, suivait
la mode. Grande et remarquablement faite, elle enlevait la toilette avec une
allure de princesse et ne pouvait passer inaperçue. Son chapeau de paille fine,
surtout, impressionna les dames. Nanti d’une large passe bordée de petites
roses pompons et la coiffe agrémentée d’un flot de blonde qui caressait l’épaule,
le couvre-chef de M me Delariaz fut qualifié d’œuvre d’art par M me Laviron,
toujours vêtue et chapeautée de noir. On admira aussi la robe, mi-longue, de
taffetas rose, mais Élise en trouva le décolleté indécent. La modestie de tulle
que le pasteur avait convaincu sa femme d’ajuster sur son buste de Junon,
« au moins pour la réception des pasteurs », ne faisait qu’ajouter, par
sa transparence équivoque, au désir de voir ce qu’elle devait cacher.
— Quelle belle femme ! C’est, en moins
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