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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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sévère, le
portrait vivant de lady Howe, peint par Gainsborough, dit Chantenoz, émoustillé.
    — Il suffit que ce soit une femme de pasteur pour qu’il
s’enflamme, dit Aricie, qui ne manquait pas d’humour.
    Pendant ce temps, le ministre discourait avec sa fille.
    — La fête du jubilé a un double caractère ; elle
veut rappeler l’affranchissement de la domination des ducs de Savoie et de la
cour de Rome. C’est une fête religieuse, certes, mais elle est aussi patriotique…
    — Et politique ! coupa Chantenoz, qui savait par
Aricie que les pasteurs protestants ne manquaient pas une occasion, depuis
quelques semaines, de dénoncer, dans leurs sermons, les vaines pratiques des
catholiques et leur influence grandissante dans la politique cantonale.
    — En tout cas, on ne peut pas se promener dans les rues
sans se heurter à des hommes noirs à rabat blanc. Genève donne l’impression de
n’être plus habitée que par des pasteurs, observa Alexandra à voix basse, à l’intention
de son parrain, qu’elle ne quittait pas.
    Le samedi 22 août, dès huit heures du matin, cent
quarante membres de l’Église de Genève se réunirent dans le temple de l’Auditoire,
pour accueillir les invités étrangers. Aux discours de bienvenue, les délégués
ne firent pas faute de répondre, ce qui prolongea la cérémonie jusqu’au repas
de midi. La pluie menaçait et de gros nuages couraient sur un ciel gris quand s’ouvrirent
les portes des temples. Celles de Saint-Pierre et de Saint-Gervais, garnies de
feuillages, furent franchies par des cohortes de garçons et de fillettes, de
sept à quinze ans, en habit de fête, suivis par les familles endimanchées. Alexandra,
pour plaire aux Laviron, avait accepté de se joindre à ses camarades de l’École
supérieure.
    Une heure après midi les cloches appelèrent les fidèles à l’office.
Jeux d’orgue, prières, sermons, hymnes, bénédictions se succédèrent et, pour
récompense de leur patience, tous les enfants reçurent une médaille du jubilé
en bronze et un exemplaire du livre Histoires d ’ autrefois, spécialement
édité à leur intention. Plus de quatre mille médailles et trois mille livres
furent ainsi distribuées dans les temples de la ville. À quatre heures, précédés
de fifres et tambours, les enfants quittèrent les églises et, en de multiples
cortèges, convergèrent vers Plainpalais, Sécheron ou Varembé, et se rendirent
dans les propriétés qui devaient les accueillir : celles de MM. Rigaud
et Mirabaud furent les plus achalandées.
    On commençait à organiser les divertissements et servir les
collations quand une pluie cinglante et importune vint gâcher la fête juvénile,
provoquant la débandade de ceux et celles qui craignaient de mouiller leurs
beaux vêtements. Axel et Élise, venus au-devant d’Alexandra dans le cabriolet
de Pierre-Antoine, virent de loin arriver la fillette.
    — Regardez, mais regardez, mon ami, cette petite court
comme un garçon ! Elle montre ses cuisses à tout le monde. Sermonnez-la, je
vous prie.
    Pour toute réponse, Axel se mit à rire et se pencha hors du
cabriolet pour enlever dans ses bras sa filleule, trempée et essoufflée.
    — Attention à ne pas gâcher ma robe, dit sèchement Élise
quand son mari installa la fillette entre elle et lui.
    — Dommage que la pluie interrompe la fête, tu devais
bien t’amuser et je me suis laissé dire qu’on a préparé pour vous des montagnes
de gâteaux et de la grenadine.
    — Pouah ! Les gâteaux ne venaient pas de chez
Leucher. Paraît qu’ils ont été cuits par des femmes d’œuvres. Ils étaient gras
et mous. Et puis la grenadine ça me donne mal au cœur. J’aime mieux la limonade
de Manaïs, dit la fillette, qui avait trouvé seule ce joli nom pour Anaïs
Laviron.
    Le dimanche 23 août, dès cinq heures du matin, les
carillons des églises tirèrent les Genevois du sommeil. Chaque quart d’heure, la
Clémence fut mise en branle. Les vibrations du bronze, frappé au sommet de la
tour de Saint-Pierre, se répercutèrent d’une rive à l’autre du lac, donnant le
signal des célébrations. La pluie, qui n’avait pas cessé de la nuit, tombait
encore, froide et obstinée, quand les Métaz et les Laviron descendirent, en cabriolet,
la rue de la Cité pour retrouver les Chantenoz devant le temple de la Fusterie.
Le ciel, badigeonné d’une épaisse grisaille, semblait oublier l’été. La foule
ne paraissait pas rebutée par

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