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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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confiance à Druey, il sait naviguer,
pronostiqua le bon pasteur Duloy.
    Ils cédèrent en effet, et, le 27 septembre 1837 –
« après bien des démêlés et des histoires mesquines », confia Juste
Olivier à ses amis –, le Conseil d’État autorisa l’Académie à lancer son
invitation. Le montant des honoraires du conférencier serait de trois mille
francs de Suisse. Beaucoup plus que n’aurait perçu, pour la même prestation, un
conférencier vaudois. Le cours sur Port-Royal fut donc annoncé pour l’hiver
1837 et le printemps 1838. On publia que les leçons seraient gratuites pour les
étudiants et accessibles au public. Précédent à peine croyable, les dames et
demoiselles y seraient admises !
    Après qu’on eut appris chez les Fontsalte la mort, à
Arenenberg, de la reine Hortense, qui s’était éteinte le 5 octobre, dans
les bras de son fils Louis Napoléon revenu clandestinement des États-Unis, Sainte-Beuve
arriva à Lausanne, le mercredi 18 octobre.
    L’écrivain apportait plusieurs caisses de livres, dont le
transport coûta, se plaignit-il, cent cinquante francs ! Ses amis Juste et
Caroline Olivier avaient offert de l’héberger dans une maison qu’ils
possédaient 34, rue Marterey [94] mais le critique tenait à jouir de sa liberté de mouvement. Il avait retenu
deux chambres à l’hôtel d’Angleterre, rue de Bourg. Chantenoz, très informé de
tous les gestes du visiteur, rapporta que M. Sainte-Beuve dînerait chez
Olivier, mais se retirerait à l’hôtel pour dormir et travailler, au milieu de
ses livres, à la préparation de ses cours en même temps qu’à l’ouvrage qu’il
comptait en tirer.
    — Cet arrangement n’est peut-être pas uniquement dicté
par l’étude et la méditation, persifla Chantenoz, qui savait le critique aussi
sensible au charme féminin qu’attaché à la discrétion.
    La rentrée universitaire, fixée au lundi 6 novembre, fut
un jour faste et solennel dans l’histoire de l’Académie. En même temps que M. Sainte-Beuve,
le conseiller d’État Auguste Jaquet et le recteur Jean-Jacques Porchat, entourés
des membres du Conseil de l’instruction publique et du corps professoral, accueillirent
avec pompe dans la salle d’honneur Alexandre Vinet, le maître tant attendu des
étudiants en théologie.
    Martin Chantenoz, invité privilégié, soutint que cette cérémonie,
qui avait rassemblé derrière la jeunesse universitaire, ardente et enthousiaste,
tout ce que Lausanne comptait d’intellectuels épris de liberté de pensée et d’expression,
marquait le commencement d’une ère nouvelle.
    — Après Voltaire, Gibbon, Beckford, Byron, Constant, voilà
que le pays de Vaud retrouve une nouvelle vigueur intellectuelle et un goût accru
pour la liberté religieuse. Sainte-Beuve nous apporte ses lumières sur la
prodigieuse aventure spirituelle de Port-Royal, sur l’œuvre de Blaise Pascal, la
logique, le raisonnement, la science, la méthode, le rigorisme janséniste. De
plus, Alexandre Vinet, en guerre contre l’intolérance, va nous offrir d’irréfutables
arguments pour qu’advienne enfin la séparation de l’Église et de l’État, à
laquelle aspirent tous les citoyens éclairés, commenta Martin, très excité.
    M me  de Fontsalte ne l’était pas moins. Elle
avait convaincu Flora et Aricie d’assister, avec elle, au cours de Sainte-Beuve.
Élise, par curiosité, accepta de se joindre au groupe, que conduisait Chantenoz.
    Lors de sa première leçon, l’écrivain fut accueilli par une
sérénade que lui donnèrent les étudiants de la Société de Zofingen [95] dont le but était
de promouvoir l’esprit confédéral et l’amitié entre Romands et Alémaniques. Trois
cents auditeurs et auditrices se pressaient dans la grande salle de l’Académie.
    Dans une ville de quatorze mille habitants, d’ambiance campagnarde,
où l’on manquait parfois de stimulants intellectuels, le cours de M. Sainte-Beuve
ne pouvait qu’attirer, avec les étudiants et les érudits locaux, les papoteuses
des rues de Bourg et de la Cité qui se piquaient de littérature. Plus désireuses
de meubler leurs conversations que leur esprit, elles ne manquèrent pas une
séance. Tout ce que Lausanne comptait de bas-bleus, d’esseulées romanesques, de
demoiselles aimant le monde, de femmes curieuses d’approcher l’homme dont les
mauvaises langues disaient qu’il avait été l’amant de M me  Victor
Hugo, de croyantes sincères,

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