Sachso
vomit.
Une intoxication d’une autre nature fait treize morts… à la grande joie des détenus qui dénombrent les cadavres, tous des « verts », des criminels de droit commun. Auxiliaires des S. S., ils utilisaient de jeunes Russes travaillant dans un hôpital pour rapporter de l’alcool destiné à leurs beuveries. Un soir, l’alcool obtenu fait des ravages foudroyants : il était empoisonné !
Le rude hiver 1944-1945 et la recrudescence des bombardements aériens sur Berlin font découvrir aux Français de Lichterfelde un nouveau supplice : celui des Graben, les tranchées qui courent autour du camp. Durant l’été, ils aimaient s’y rencontrer pour y converser, assis sur le parapet, les jambes ballantes dans le fossé. Maintenant, les Graben sont remplies de neige et il faut s’y enfoncer jusqu’aux genoux presque chaque nuit quand retentissent les sirènes. Comme il est interdit de prendre une couverture, on y gèle et, l’alerte finie, c’est le rassemblement, l’inévitable appel. L’effectif est rarement au complet. Alors commence la chasse à ceux qui, trop épuisés, sont restés dans les chambres, sur leur paillasse. Souvent les coupables sont dévêtus et placés devant le portail d’entrée. Plus d’un succombe aux températures qui descendent jusqu’à -20°…
Il fait très froid à Noël, mais un court moment de trêve est respecté. Les Français se regroupent par province d’origine pour entonner des chants que Pierre Genty présente dans une série de quatrains.
Leurs camarades de Grünheide, un sous-kommando de Lichterfelde, à l’est de Berlin, n’ont pas cette chance. Ils ne sont que seize Français sur cent vingt détenus et se sentent bien isolés. Marcel Triquet, un résistant du Nord du train de Loos (n° 101 809), y est affecté depuis la fin septembre 1944 : « À Grünheide, il n’y a qu’une baraque pour les détenus, une pour les S. S. et deux plus petites qui servent d’habitations au Kommandoführer et à l’architecte S. S., un géant d’une trentaine d’années. Nous construisons un ensemble de casernements en dur. Je suis dans une équipe de maçons avec Serge Bourgognon, des environs de Tours, Roger Demangeon, l’ancien chauffeur du colonel de La Roque arrêté en même temps que son patron, un Allemand objecteur de conscience et un Meister en uniforme de la Wehrmacht.
Il y a aussi Walter Daspas, gendarme de La Tronquière, un autre gendarme, prénommé Raoul qui mourra pendant l’évacuation, un policier des environs de Bordeaux, Georges Derenne, un jeune fermier de l’Orne, Albert Clap, ancien P. G. des environs de Maubeuge, Pierre Lebourdais, un cheminot de Tours, Maurice Arrighi, un Marseillais du Vieux-Port qui fait office d’infirmier, etc. D’autres nous quittent durant l’hiver pour retourner à Lichterfelde : le père Drouilly, conseiller général de l’Aube, Charles Arnaud, de Clermont-Ferrand, Elie Faure, des environs de Toulouse.
« Le 2 février 1945, nous rentrons à notre tour par le train, puis le métro. En sortant de la station qui dessert Lichterfelde, un bombardement nous cloue dans un square. Pas de victimes : l’effectif au complet réintègre le camp. »
En mars et avril, la fréquence des alertes augmente. Il y en a deux, trois par nuit. La nourriture, déjà réduite à partir du 1 er février, est de plus en plus chiche. L’épuisement se généralise. Beaucoup ont le pénible sentiment de sombrer.
Sous les raids dévastateurs, Berlin est un océan de briques où les incendies font rage. C’est une ville folle où les équipes de Lichterfelde frôlent la mort à chaque instant entre les murs qui s’écroulent, les engins à retardement qui explosent.
Le 17 avril 1945, le kommando de Lichterfelde est évacué sur Sachsenhausen, d’où il est refoulé vers le kommando Heinkel. Le 21 avril, pour les uns et les autres, c’est la route, l’aventure sanglante, les hommes abattus par les S. S. et là-bas, pour ceux qui survivent, les collines du Mecklembourg, la verte Liberté.
PEENEMUNDE ET SES FUSÉES
En octobre 1944, Pierre Pujol, que l’on prénomme Bob, rejoint sur la place d’appel de Sachsenhausen un groupe de déportés composé en majorité de Français du Nord. Ils sont arrivés il y a un mois par le « train de Loos » . Un nouveau transport les attend. En colonne escortée par les S. S. et leurs chiens, Bob Pujol gagne la gare avec eux : « Nous embarquons dans des
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