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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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tête-bêche, comme des bûches de bois ; je m’enfuis, épouvanté…
    « Le lendemain, on me change de place ; nous sommes deux sur notre grabat. Mon compagnon me paraît un véritable mort vivant, avec des yeux immensément vides et un teint verdâtre. Je touche sa cuisse, elle est glacée ; je le repousse. Il se retourne péniblement et, me fixant de son regard pitoyable, me dit : “Ne te mets pas en colère, vois-tu, nous sommes embarqués sur le même bateau.” Le matin d’après il est mort et le Stubendienst l’enlève.
    « Des dysentériques, qui auraient dû être dans l’aile A, sont placés dans notre aile B, souvent aux châlits supérieurs du troisième étage. Ils n’ont plus la force de descendre et se soulagent sur place en polluant leur compagnon de lit et ceux des étages inférieurs. Ces derniers, dans bien des cas, se contentent d’essuyer leur visage du revers de la main. Que faire d’autre ?
    « Il n’y a qu’une gamelle par lit jumelé, soit pour cinq à six personnes. Je revois encore ce jeune Ukrainien léchant et reléchant cette gamelle quand la distribution est terminée.
    « Un médecin norvégien est à cette époque responsable de ce cloaque ; il est désespéré devant cette misère et son impuissance à améliorer la situation. Je n’avais pas la dysenterie, mais je la contracte après quatre ou cinq jours de ce régime. Pour ne pas mourir sur place, je demande au médecin une attestation de guérison qui me permet de sortir de cet enfer. Grâce à toi, camarade médecin inconnu, je suis vivant ! »
    À la porte de ce sinistre Revier V, Jacques Lefaure, qui n’a pourtant pas la dysenterie, est aiguillé directement sur l’aile À des dysentériques : « J’ai comme compagnon de lit un Russe couvert de boutons et de plaies. Le contact permanent de ce corps purulent me fait encore frissonner… J’ai la chance d’être examiné par un médecin qui diagnostique un phlegmon de la gorge. De ce fait, je suis transféré à l’aile B… Mon phlegmon finit un jour par crever de lui-même. Je m’efforce de cracher le pus qui s’écoule continuellement dans ma bouche, mais ce n’est pas toujours facile d’aller rapidement aux toilettes, aussi je dois bien en avaler une partie, car un empoisonnement se déclenche qui me laisse plusieurs jours la nuque complètement bloquée. J’ai quarante degrés de fièvre matin et soir, juste au moment où nous pouvons écrire à nos familles. Puisque je suis au troisième châlit, j’ai comme écritoire une poutre de la charpente mais, comme je ne peux bouger la tête, l’opération est pénible. Selon la règle, je raconte aux miens que tout va bien et que je n’ai besoin de rien ; une lettre passe-partout qui d’ailleurs ne parviendra jamais à destination…
    « Pas loin de moi, un Français, paralysé sur sa couche, enveloppé des pieds à la tête de bandages de papier, ne peut se lever ni manger seul. On lui pose sa gamelle de soupe sur la poitrine, il la lape comme il peut, la renverse parfois, se la fait souvent voler… Il y a aussi un autre Français très affaibli qui nous donne des inquiétudes. Chance inespérée, il reçoit un colis ; un camarade lui prépare aussitôt une bonne tartine mais, quand il se retourne pour la lui donner, le pauvre est mort !
    « Comment je m’en sors ? J’ai deux chances : je reçois un jour moi aussi un colis et, après le pillage traditionnel, il me reste une boîte de confitures et des biscuits, peu mais vital ; ensuite je suis confondu avec un groupe de Norvégiens soi-disant atteints de diphtérie et qui reçoivent une piqûre d’un quelconque désinfectant, je suppose, qui me fait le plus grand bien.
    « Voilà comment je sors du Revier, dans un état déplorable mais sur mes pieds : avec la gale et des poux, affublé d’un accoutrement grotesque, veste de soldat russe, culotte de cavalier et chaussures démesurément grandes ! »
     
     
POMMADES À TOUT FAIRE
    Promiscuité, manque d’hygiène, contagion mais aussi sous-alimentation, absence de soins ou thérapeutiques dérisoires concourent à la tragique sélection du Revier.
    Au Revier III, devant la plaie à la jambe de Henry Brunninghausen de Harven qui ne se cicatrise pas, le médecin russe s’inquiète non seulement de son phlegmon renaissant mais de son état général. De Harven est touché de cette sollicitude : « Mais les bons sentiments ne sont pas un remède. Il ne peut rien

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