Sachso
brutalités des S. S. qui les ont conduits au Revier et non pas la maladie. Largillière a eu un rein éclaté par un coup de crosse, Vachellerie est emporté par des phlegmons infectés consécutifs à des coups de gummi sur les fesses.
En règle générale, l’administration du camp ne se soucie pas d’annoncer les décès aux familles : il y en aurait trop. Pourtant, au hasard de ses contradictions, la machine bureaucratique fonctionne parfois. En ce même mois de juin 1943, un billet de ce genre endeuille à Conflans-Sainte-Honorine la famille de Désiré Clément, ancien conseiller municipal de Gennevilliers.
La première carte-lettre de Désiré Clément est arrivée chez lui datée de la poste d’Oranienburg le 4 mars 1943. Du block 7 de Heinkel, il écrivait : « Je suis en bonne santé… » À la mi-juin parvient une seconde lettre, officielle et dactylographiée : « Avis de décès. – Le retraité Désiré Clément, né le 19 mai 1879 à Sainte-Mère-l’Église, domicilié en dernier lieu à Conflans-Sainte-Honorine, 1, avenue Jacqueline, est décédé le 2 juin 1943 à 15 h 15 à l’hôpital du camp de centration de Sachsenhausen. Cause de la mort : troubles cardiaques et circulatoires à la suite de phlegmons. À Oranienburg, le 3 juin 1943, le médecin traitant S. S. Obersturmführer (Illisible). »
PIQURES DE BENZINE ET EXPÉRIENCES
Pour accélérer le processus d’élimination des sacrifiés, les S. S. placent à divers postes du Revier des bourreaux à leur solde. En 1943, sévit par exemple au Revier V un chef de block, Arno, triangle vert, Allemand blond aux yeux bleus, abject au possible. Il frappe à tour de bras, assomme, assassine à coups de piqûre de benzine. En juin, Jean Caubit, souffrant de dysenterie et d’œdème, est envoyé à son block : « Je suis reçu par ce chef de block. Près de lui, un tas de cadavres ; il a déjà sa seringue de benzine à la main… Je suis bon pour le grand voyage. Mais je veux garder mon sang-froid et lui lance en mauvais allemand que je suis un guter Arbeiter (bon travailleur). Heureusement pour moi, un médecin norvégien arrête son bras prêt pour le geste fatal en lui répétant : “C’est un Français et il est encore bon pour le travail.” Ce qui n’empêche pas ce criminel d’assassiner devant moi les quatre Russes qui me suivaient… »
La cruauté d’Arno devient finalement dangereuse pour les S. S. du Revier eux-mêmes, si bien que Baumkötter doit se résoudre à l’expédier vers juillet 1943 dans un kommando disciplinaire, où il disparait. Mais ses pratiques monstrueuses subsistent. À la fin de février 1945, Henri Conzett le vérifie dans la salle où il est hospitalisé : « Un Français de Lons-le-Saunier, avec un abcès sous le bras, ne peut se lever une nuit et souille son lit. Je lui dis : “Tu aurais dû me réveiller, je t’aurais aidé à descendre du deuxième étage.” Un employé du Revier, triangle vert, lui retire son drap, le traite de cochon, puis revient lui faire une piqûre. Je pense que c’est pour le soigner. Pierre Berroyer, de Châteauroux, me dit que la piqûre n’est pas pour calmer sa colique mais pour le tuer. Ce qu’hélas nous constatons quelques instants après. »
Même chose dans la salle où est Henri Pasdeloup : « Un Ukrainien qui geint de plus en plus fort attire sur lui l’attention d’une brute qui nous garde et qui lui fait alors une piqûre. Vingt minutes plus tard, l’Ukrainien meurt après quelques brèves contractions. Il est environ 14 heures. Le cadavre n’est enlevé que le lendemain après-midi. »
Ce qui se passe au Revier du grand camp se répète aussi dans les Reviere de plusieurs kommandos de Sachsenhausen, à certaines époques, du moins. Au Revier Heinkel officie à un moment un chef de block dénommé « Paul », « droit commun » allemand, assassin du même acabit qu’Arno, de Sachsenhausen. Paul Contour assiste à quelques-uns de ses crimes : « Durant mes trois semaines de séjour au Revier Heinkel, je le vois pratiquer des injections de produits toxiques à deux camarades français.
« Le premier, originaire des bords de Loire, a eu la veille une altercation avec Paul. Ce dernier le pique, le recouvre d’une paillasse sur laquelle il s’assied, attendant que la mort arrête les hurlements de sa victime.
« Le second sur qui il répète son geste criminel est un jeune Français qu’il prétend
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