Sachso
d’une fraternelle solidarité. »
Les mineurs, peu à peu intégrés dans la collectivité, vont bientôt être les témoins impuissants d’un épouvantable massacre. En septembre 1941 arrive à Sachso un ordre de l’État-major général de la Wehrmacht (retrouvé dans les archives de Sachsenhausen) dont la teneur rabaisse le haut-commandement allemand au rang des plus abjects criminels de guerre : en représailles de prétendues exécutions de prisonniers allemands par l’armée russe, il ordonne l’extermination de dix-huit mille officiers et commissaires soviétiques, prisonniers de guerre, qu’il envoie au camp. Les tueurs S. S. s’activent. Les prisonniers sont entassés à trois mille par baraque, sans nourriture ni boisson, dans l’impossibilité même de s’asseoir. Les morts doivent être portés à bout de bras par-dessus les têtes et sortis par les fenêtres. Autour, les autres détenus, hors d’eux-mêmes devant ces crimes horribles, sont tenus à distance par les S. S., mitraillettes braquées. Alertés par la disparition de leurs camarades qui partent par groupes de vingt, soi-disant pour des camps de prisonniers de guerre, puis surtout édifiés par le bruit des fusillades toutes proches et par l’odeur de l’épaisse fumée noire qui sort du crématoire, les soldats russes se rebellent, se jettent les mains nues sur ceux qui les conduisent à la mort. Profitant du trouble ainsi créé, un groupe d’anciens d’Espagne, par une action désespérée, s’empare d’une marmite de pommes de terre, force le barrage des gardes-chiourmes et l’introduit par une fenêtre dans un des blocks. La direction clandestine parvient à grand-peine à empêcher dans le camp une rébellion générale qui se serait terminée par une totale extermination. Quand les exécutions sont suspendues, onze mille soldats ont disparu.
Déjà, l’aide fraternelle dont ont bénéficié les mineurs français a été dénoncée par les « verts » à la direction S. S. du camp. Cette dernière en a déduit que l’administration intérieure par les détenus sert, une fois de plus, de couverture pour l’organisation antifasciste clandestine. Dès cet instant, la Gestapo enquête sur cette « trahison » que constitue la solidarité internationale.
En octobre 1942, le commandant S. S. de Sachsenhausen frappe. Tous les communistes connus qui ont des fonctions dans le camp, doyens, chefs de block, etc., sont chassés de leurs postes. Ils sont enfermés en cellules, torturés, mais ne dénoncent pas leurs camarades de l’organisation. Tous les arrêtés sont envoyés au camp de Flossenburg, à la carrière, où la survie est toujours brève. Mais ils bénéficient de la solidarité de leurs compagnons de Flossenburg et le plan des S. S. de les exterminer par un travail exténuant et par la faim est déjoué.
Les mineurs français échappent à cette répression. Bien que sortant à peine d’une lutte acharnée, ils apportent à la résistance internationale leur courage et leur expérience.
Paul Dubois est responsable avec Léon Boulissière de ce contingent. À la question : « Comment as-tu pu survivre durant ces quatre longues années ? », Paul répond : « Si je suis encore en vie, c’est grâce à ma combativité de communiste, grâce également aux militants allemands dont le premier acte envers nous fut une solidarité matérielle puis la mise en contact avec leur organisation clandestine. Ces camarades et les autres démocrates allemands nous ont montré la voie : 1) nous battre contre la faim, le froid, l’humiliation, les coups, la torture, la solitude, l’ennui ; 2) ne jamais renoncer à la lutte ; 3) éviter deux dangers qui peuvent être fatals, le désespoir et l’habitude. Se battre ! Se battre pour tenir ! Sans le courage et la volonté, les forces auraient été minées et nous serions devenus des loques ; 4) meubler notre pensée et notre temps. »
Fin 1941 les camarades allemands font entrer Dubois dans le kommando de ramassage des morts qui dessert le Revier. Là il peut récupérer des bouts de pain, des fonds de bouteillons de soupe et participer ainsi lui-même à l’aide envers les autres mineurs sur qui s’acharnent les S. S. Classés dans la catégorie NN, c’est-à-dire condamnés à disparaître, ils n’ont pas le droit d’écrire et ceux qui tentent de faire sortir du camp des lettres clandestines sont durement châtiés. Ils sont pendus par les
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