Sachso
Il fait une phlébite et, le mercredi 21 février, il quitte sa paroisse de Falkensee pour être évacué au grand camp de Sachsenhausen. De là, quelque temps après, il est envoyé en transport au camp de Mauthausen, où il périt le 13 avril 1945 après avoir entrevu la victoire des Alliés pour laquelle il avait tant prié et tant travaillé dans la Résistance… »
La Résistance ? Elle frappe un grand coup à Falkensee le 11 novembre 1944. Quelques jours après sa première messe, l’abbé Lavallart manifeste avec l’ensemble des Français répondant à l’appel de leur comité, dont Pierre Clédat explique la teneur : « Le comité français, maintenant influent mais toujours rigoureusement clandestin, décide de célébrer la victoire de 1918, en tant que fête nationale, par une minute de silence à onze heures précises (heure de la cessation des hostilités). Chaque groupe est alerté ; Doury doit essayer d’y associer les autres nationalités, tâche difficile, car l’Histoire n’est pas la même pour tous. Chacun devra arrêter son travail, stopper sa machine et se tenir au garde-à-vous, puis reprendre son activité. »
Au contrôle de la kolonne 11, Roland Picart frappe sur le marbre avec un marteau : « Tous, comme un seul homme, les Français, les Polonais, les Espagnols, un Mexicain et un Américain, se figent en un garde-à-vous impeccable, quand surgit le Meister Kuncke, les yeux ronds, complètement ahuri ! Sans un mot, il repart dans la salle des tours et des fraiseuses, où le même silence l’attend. Je suis certain qu’à cet instant il comprend que le vent de la défaite souffle sur le grand Reich. »
À la kolonne 7, c’est la même unanimité, sous l’impulsion des jeunes de Tessier avec Murciano, Boivent, etc. ; ailleurs aussi, et Pierre Clédat peut se réjouir avec tous ses amis : « Dans toutes les kolonnen, le comité français de résistance a gagné ! »
Dans les conditions de vie qui s’aggravent avec les défaites hitlériennes, le rôle du comité français grandit au sein de la communauté internationale de Falkensee. Le commandant S. S. a été remplacé par un officier de la Wehrmacht, signe encourageant, mais le passage des évacués du kommando de Lieberose suscite angoisse et questions. Clédat et ses camarades interrogent les survivants : « Nous apprenons les méthodes employées par les nazis en recul sur tous les fronts. C’est un avertissement pour le comité français, d’où la nécessité de repenser notre action. Si l’usine a encore besoin de notre main-d’œuvre, la production est plutôt symbolique, les Meister sont à l’entraînement militaire du Volkssturm. Notre formation de partisans est bien soudée. Grâce aux camarades russes qui sont au magasin, tous les hommes ont été chaussés de godillots militaires qui remplacent leurs socques de bois mais, pour l’instant, ils ne disposent que d’armes blanches faites en secret à l’usine. La liaison est parfaite avec les dirigeants allemands, qui disposent instantanément de toutes les informations sur les projets des S. S. concernant le kommando en raison de leur présence dans tous les postes administratifs. »
Le dimanche 22 avril 1945, jour de la libération du grand camp de Sachsenhausen par l’armée soviétique, la Demag s’arrête, la tension monte. Des heures fiévreuses commencent qui s’inscrivent dans le journal tenu par Pierre Clédat et dans celui tenu par Jean Mélai :
Dimanche 22 avril. Jean Mélai : « Les combats semblent se rapprocher car, par moments, nous parvient le bruit des armes automatiques… La batterie de D. C. A. qui se trouve non loin de nous reste muette… car l’usine, maintenant abandonnée, n’a plus besoin de protection… »
Pierre Clédat : « Le Comité français de résistance (C. F. R.) composé de quinze camarades, réuni sous la présidence de René Doury au block 1, Flügel B, examine la situation. Il décide de se réunir lundi avec les camarades des M. U. R. (Parayre, Fabre, etc.) et avec les officiers groupés par le commandant de Bellenet… Décision est prise de sortir de la clandestinité. Le C. F. R. doit devenir le “Comité français de libération”. Les diverses branches d’activité seront subordonnées au comité militaire… À midi, au block 5, les Français s’opposent à ce que “le Tzigane” serve seul la soupe ; un représentant de chaque nationalité doit y
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