Sachso
effectuent les réparations après contrôle, ont toujours beaucoup à raconter. « Nous réparons soigneusement tout ce que les contrôleurs civils ont signalé, dit Jean Richard. Mais, après leur passage, nous écartons les tubes d’acier et fourrageons avec nos tournevis dans les faisceaux de câbles électriques préparant coupures ou courts-circuits ultérieurs. Nous remettons les tubes en place et le passage à la peinture efface toute trace extérieure de notre intervention. »
L’imagination des Français est inépuisable pour accentuer les défauts de l’appareil qui sont le secret de Polichinelle. Il a tendance à se mettre en vrille lorsqu’il pique du nez : au réglage des câbles de commande du palonnier, le « mou » est surtout rattrapé d’un seul côté. Les moteurs, du fait de leur couplage, ont une propension naturelle à s’échauffer : Fernand Aubert et Nicolas Zappa la favorisent en s’occupant particulièrement des pistons des pompes à huile.
Tout comme au hall 2, le sel fourni par les cuistots français agit ici efficacement. Le gros appareil photo-enregistreur du tir des bombes, encastré dans le plancher de la carlingue, est vissé bien serré sur son siège… avec une couche de gros sel humide interposé. L’un d’eux passera au travers et tombera au sol avant même la fin du contrôle au hall 8, son support complètement rongé. Un des cuistots, André Forvielle, a une autre recette : « À mon camarade Jean Labat qui, au hall 8, place les instruments de vol sur le tableau de bord, je donne de l’extrait de vinaigre chimique qui brûle la peau comme du vitriol. Après le troisième et dernier contrôle, Jean en introduit une goutte avec une paille de balai dans le mécanisme de l’altimètre, histoire de faciliter la navigation… »
Dès l’été 1943, une série de catastrophes réjouissent les Français. Aux essais en charge, un 177 se coupe en deux. Plusieurs avions sont gravement endommagés en se posant sur le ventre, leur train d’atterrissage n’a pu sortir. D’autres s’abattent, volets bloqués. Début 1944, lors d’un raid de quatre-vingt-cinq appareils He-177 sur l’Angleterre, dix-sept seulement parviennent à rentrer. En réplique, les Anglais bombardent l’usine-kommando Heinkel d’Oranienburg le 18 avril 1944 : c’est le commencement de la fin pour le He-177…
Le Baukommando, jusque-là non intégré directement dans le sabotage de la production Heinkel, contribue à donner le coup de grâce. S’ils se dépêchent de réparer les bâtiments de la désinfection et de la cuisine, les hommes du Baukommando mettent beaucoup de lenteur à relever les ruines de deux halls et à effacer les dommages causés aux cinq autres. Sauf si c’est pour parachever la casse ou enfouir, sous les remblais, de l’outillage, des moteurs électriques, etc. ! François Thomas, l’ancien secrétaire du syndicat C. G. T. des terrassiers de Paris, l’instituteur Pierre Guyomarch et leurs camarades se payent au centuple de ce qu’ils ont enduré de leurs bourreaux Arhim et Haxman.
Dès février 1943, ces deux bandits, Arhim, le Vorarbeiter en chef, et Haxman, son adjoint, s’en sont pris aux Français, les traitant tous de communistes et menaçant de dénoncer particulièrement Louis Rivière et Robert Laffitte, d’Hendaye, Victor Plissonneau, Bouqueteau, Pécastaing… Mais, quelques mois plus tard, la construction du Wasserbassin, la fameuse piscine-réserve d’eau pour les incendies en cas de bombardements, permet de leur infliger un échec cuisant dont Pierre Guyomarch est témoin : « Sans compter le gaspillage du matériel, notamment des pointes qui étaient si recherchées que nous devions les récupérer et les redresser après usage, nous trafiquons le dosage du ciment dans les bétonnières. La cuvette terminée, avec hâte Arhim, “la Panthère noire”, ouvre les vannes, heureux de la voir se remplir. Le lendemain, l’énorme réserve d’eau a disparu, passée à travers le sable comme par un filtre. Fissurée de toutes parts, la cuvette bétonnée s’est transformée en passoire ! Durant plusieurs semaines nous mettons en place des contreforts pour soutenir les parois, puis les cimentiers doivent étendre une nouvelle chape sur les parois et le fond du bassin… » Maintenant, si les chiens de garde des S. S. sont toujours aussi venimeux et brutaux, leurs victimes savent que le temps du châtiment est proche.
Malgré
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