Sachso
chaîne est bordée par les établis d’un important secteur d’outillage proche de son bureau d’étude, le B. M. K. L’activité résistante dans ce hall est animée par Oscar Behr, de Châlons-sur-Marne, entouré d’une équipe bien soudée. Oscar, d’origine alsacienne, parle un allemand parfait et c’est lui qui, chaque matin, reçoit d’un civil, un ouvrier communiste allemand, les journaux qui servent à l’élaboration du bulletin clandestin des Français.
La nature du travail effectué au hall 7 explique, comme au hall 2, la présence de nombreux civils, des bons comme des mauvais. Puni de deux jours de cachot au Bunker pour un retard à l’appel, Paul Lagrue, en revenant à son établi, est accueilli fraternellement par Karl, son vieux civil, qui coupe en deux son casse-croûte et lui en donne la moitié. Edmond Quesnot est à même de faire aussi la différence : « Nous sommes huit à l’établi, commandés par deux civils. L’un a toujours la cravache à la main ; l’autre, quand il le peut, partage à tour de rôle avec nous un peu de son pain et de son tabac. Je lui demande un jour pourquoi il fait ça. “Ma femme est à Ravensbruck”, me répond-il. »
Les ouvriers professionnels français très qualifiés qui se trouvent là sont fréquemment sollicités par des civils pour des travaux de « perruque » auxquels chacun trouve son compte. Mairet, spécialiste de la Manufacture de Chatellerault (et qui mourra bientôt de la tuberculose) est le fabricant attitré de rasoirs-couteaux. Mais, entre deux commandes « civiles », il fabrique, pour la Résistance, de longs poignards bien emmanchés qui sont enterrés sous le plancher du block en paquets bien huilés.
Le hall 7 est également célèbre pour de grandes scènes délirantes de pagaille collective. Ça tient à la fois des Marx Brothers et de la chevauchée des Walkyries de Wagner ! À une époque, la haute direction Heinkel décide qu’un Mittelstück doit sortir du hall à midi et un autre le soir ! L’ordre étant un ordre, il doit être exécuté coûte que coûte, même si l’énorme Mittelstück n’est pas prêt, et que des équipes devront aller le terminer au hall 8. C’est dans une telle situation que la sarabande prend naissance. Les yeux fixés sur la pendule, tous les Vorarbeiter, Meister et autres responsables crient plus fort les uns que les autres : « Los ! Los ! Schnell ! » Alors, la horde des détenus se précipite sur le Mittelstück qui vacille légèrement sur son berceau roulant. Tout le monde pousse frénétiquement, à hue et à dia ! Les roulettes du chariot porteur cisaillent les tuyaux de caoutchouc pour l’air comprimé et les câbles électriques qui alimentent les perceuses, riveteuses. Ils ont été laissés exprès sur le trajet ; l’air s’échappe en sifflant ; les courts-circuits provoquent des gerbes d’étincelles. Les outils abandonnés dans l’appareil dégringolent ; des pièces se défont et pendouillent. Les clameurs redoublent, les coups aussi mais chacun rit sous cape devant le gâchis et le désordre qui marquent… l’exécution de l’ordre !
Le hall 8 est le dernier hall, celui du montage définitif, des finitions, des réglages, du contrôle final avant la livraison de l’appareil. Les ailes, le fuselage, la carlingue, le Mittelstück construits dans les autres halls se rejoignent à ce nœud vital où se déroule la dernière bataille des détenus contre le He-177. Tous les Français y sont unis autour d’André Bergeton, jeune sous-chef de bureau à la préfecture des Landes de Mont-de-Marsan. Il a tout d’abord regroupé les Landais, les Basques, les Bordelais, les Charentais qui étaient avec lui au fort du Hâ, puis tous ceux qui, avec le Front national ou parallèlement à lui, veulent mener le même combat. L’ardeur, la générosité, la gaieté naturelle d’André Bergeron stimulent l’activité patriotique générale. Le soir, dans le cagibi du Blockältester du 8, Erich Boltze (ancien rédacteur à la Rote Fahne, le journal du Parti communiste allemand, et dont l’enthousiasme militant n’a pas faibli) se retrouvent André Bergeron, André Hallery, Jean Szymkiewicz, Jean Richard, pour faire le bilan de la journée. Bergeron peut dire souvent comment Roger Grandperret, ancien de Verdun toujours plein d’allant, et lui-même ont encore mis en panne le pont-roulant du hall dont le rôle est capital. Les deux Jean, qui
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