Sachso

endommagé ayant atterri sur trois roues au lieu de quatre (la porte de la caisse à roue ne s’est pas ouverte). Et à côté, on nous montre en détail comment un morceau de fibre protégeant le passage du câble de commande a été coupé par frottement sur une partie métallique… Presque un cours de sabotage ! »
    Désirat voit à l’œuvre les monteurs des volets de ces caisses à roue qui opèrent en plein accord avec Marcel Stiquel, responsable clandestin du hall 5 : « Fin 1943, les monteurs traînent volontairement durant une matinée et, après une engueulade, ils sont “obligés” de rester au hall pendant la pause de midi pour rattraper le retard. Pendant que les civils et les Vorarbeiter sont partis manger, l’un des gars chatouille au chalumeau le gabarit de montage qui se tortille de quelques degrés d’angle. Un refroidissement au jet d’eau et le voilà fixé dans une position vicieuse. Un coup de peinture pour camoufler cette “mise en pli” et on se remet à monter en vitesse les couvercles de “carton à chapeau”. Les tôles déjà formées ont du mal à s’adapter à la nouvelle courbure et les cornières de raidissement encore plus. Il faut serrer à bloc. La récompense de l’équipe pour les risques mortels encourus est de voir au contrôle, en bout de chaîne un grand nazi, armé d’un gros maillet, “aider” les vérins hydrauliques impuissants à fermer les couvercles. Et dans quel état se réouvriront-ils ? »
    Paul Deneux, qui fait équipe avec Jules Dupont, ne laisse passer aucune occasion de multiplier les temps morts : « Une fois, pour nous provoquer, un “vert” urine dans notre boîte à outils. Avec Jules, nous culbutons aussitôt la caisse et nous attendons que les outils sèchent avant de nous en resservir. Aucun civil ne nous réprimande. »
    Les ailes sortant du hall 5 sont remorquées au hall 6 par des chariots… parfois indociles, à la grande joie de Groux, qui fait équipe avec des Russes du hall 6 : « Au cours d’un de ces transports, un assez méchant Vorarbeiter “vert” tient le manche de direction du chariot. Devant les cuisines, il passe les commandes à un Russe pour aller parler à l’un de ses pareils. Au bout de la route, le jeune Russe fait dévier brusquement l’attelage et l’aile va s’écraser contre un pylône électrique. Elle a plutôt une sale gueule quand arrive le Vorarbeiter, qui nous matraque. Mais, comme il est responsable, nous repartons pour le hall 5, et là il se fait ramoner à son tour, car toute une partie de l’aile est à refaire… »
    Au hall 6, le He-177 n’est pas au bout de ses peines, surtout avec des « coupeurs de câble en quatre » comme René Pape : « Nous mettons en place, côté gauche de la carlingue, des câbles blindés qui assurent les connexions entre les différents circuits électriques de contrôle : niveau des réservoirs, rentrée et sortie du train d’atterrissage, dégivreurs, etc. Pour chaque appareil, au magasin des câbles, un contremaître civil me remet le lot de câbles correspondant au numéro de l’appareil à équiper. Dès le premier jour, je constate que tous les câbles sont trop longs de plusieurs mètres. Je les mets en place, coupe les excédents que je rapporte au magasinier. Il se met en colère, parle de sabotage… puis, revenant au guichet, me tend une grosse pince coupante et m’indique par geste qu’il faut couper ces chutes en morceaux de dix centimètres et les jeter ainsi dans la caisse à déchets. Je comprends alors qu’il fait partie d’un réseau d’ouvriers allemands en liaison tacite avec nous pour freiner la production de guerre nazie. En un an, plus de quinze kilomètres de câbles blindés de quinze à vingt conducteurs chacun sont ainsi découpés. Et l’équipe du côté droit en fait autant ! D’autres camarades sont “maladroits” : les boîtes de matériels tombent des échafaudages. Adieu, vis, boulons, rivets explosifs, embouts, raccords, numéros de repérage… ! »
    Les risques qui planent au-dessus de leurs têtes n’empêchent pas René Pape et ses camarades de se réjouir de temps à autre : « Après que plusieurs He-177 ont été accidentés en vol, on nous donne lecture, dans le réfectoire du hall 6, d’une note du commandant qui nous menace de sévères représailles (un déporté sur cinq fusillé sur la place d’appel si d’autres accidents se produisent). Et la note nous laisse à