Sachso
Bordeaux, puis à Compiègne… Je pense toujours être envoyé en Allemagne comme un simple travailleur… Je suis vite détrompé. »
Étape sur la route de Londres et d’Alger vers les Forces françaises libres, la frontière espagnole a marqué pour beaucoup trop de patriotes, non pas le début d’un rêve de liberté mais le commencement d’un cauchemar qui devait s’achever à Sachsenhausen.
Le 2 mars 1943, ils sont trois à quitter Besançon à vélo. Avec André Prévost et Gilbert Pasquier, Maurice Poyard n’a qu’une idée en tête : rallier ceux qu’il écoute chaque soir à Radio-Londres. Pour cela, passer par l’Espagne… Ils parviennent jusque dans l’Ariège chez une cousine qui garde leurs vélos, car c’est en train que le 12 mars ils rejoignent Oloron. Maurice Poyard prend la tête du groupe : « Dès notre descente en gare, nous sommes arrêtés par des policiers français en civil qui nous emmènent au commissariat de la ville. Ceux-ci, très chics, nous conseillent de rebrousser chemin et nous relâchent.
« Notre décision étant d’aller plus loin, Prévost suggère de se rendre chez le Curé… Le brave homme nous dit simplement : “M. le maire, allez voir M. le maire.” Sans plus attendre, nous allons voir le maire d’Oloron, qui nous dirige sur le garagiste, M. Boye, lequel doit nous aiguiller vers une filière. Entre-temps, notre groupe est passé de trois à cinq.
« Hébergés et ravitaillés, près d’Oloron, par de sympathiques cultivateurs, nous apprécions la nuit de repos. Dans l’après-midi, le garagiste nous transporte en taxi jusqu’à Barcus, où d’autres groupes arrivent également en taxi. C’est le cas de Léon Capdeboscq, Louis Deschamps et Jean Lainé qui, partis de Saint-Pé-de-Bigorre le matin même, ont effectué une longue marche à travers champs pour atteindre Oloron sans ennui.
« Le 13 au soir, nous sommes une quinzaine rassemblés dans une grange de Barcus d’où, à pied, nous rejoignons le hameau de Chéraute, situé au nord-est de Mauléon. Le groupe comprend maintenant une soixantaine d’hommes originaires de différentes régions de France. Parmi nous, des Oloronais, dont Georges Lagrave, à qui la Résistance locale a demandé d’héberger et d’accompagner jusqu’à la frontière deux officiers français recherchés par la milice.
« Il est tard… Les guides n’arrivent pas, ils ont été arrêtés la veille. Un messager signale un mouvement de miliciens vers Chéraute… Nous quittons précipitamment le lieu de rassemblement pour nous disperser dans les champs. Pendant ce temps, certains d’entre nous contactent des bergers susceptibles de nous guider. Ils hésitent, puis acceptent après s’être fait bien payer.
« Le départ est laborieux, car il faut contourner Mauléon par l’ouest pour éviter l’ennemi. Après une nuit de marche à travers monts et vallées, nous atteignons le col d’Osquich au moment où une patrouille de miliciens est signalée dans les parages. Malgré la fraîcheur du matin, nous nous allongeons dans l’herbe pour ne pas être repérés. Quelques-uns, très fatigués, s’endorment sur place et ne se rendent pas compte de la fin de l’alerte. Fillette, resté ainsi à l’arrière, aura la chance de trouver asile chez un paysan avant de rejoindre l’Angleterre.
« Notre colonne reprend sa marche pour chercher refuge dans la forêt proche alors que nos guides nous laissent entre les mains d’autres passeurs qu’il faut encore payer. Ces derniers acceptent de nous emmener le soir même. La deuxième nuit de marche est très pénible. Des camarades épuisés ne peuvent continuer. Quand le jour se lève, nous sommes toujours en France. Il faut se cacher. À 17 heures, un jeune guide de dix-sept ans accompagné de son chien nous prend en charge. Il nous promet de passer la frontière dans la nuit. Nous sommes tous très fatigués. Le ravitaillement commence à manquer. Vers 21 heures, le guide fait annoncer dans notre file, de l’un à l’autre, que les principaux postes sont franchis et que nous sommes près de la forêt d’Iraty… C’est presque la frontière. “Encore un petit effort et ça y sera”, dit-il.
« Je commence à rêver aux futures batailles dans le ciel allemand, mon ambition étant de faire partie du groupe français “Lorraine” de la Royal Air Force. Mais, hélas, tout à coup clac… clac… Notre colonne se trouve sous le feu de
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