Sachso
trame ».
« C’est le 23 janvier 1941, jour de ma libération des Chantiers, que je vois le premier soldat allemand, au passage de la ligne de démarcation à Chalon-sur-Saône. La Lorraine étant classée zone interdite par l’occupant, je ne peux rentrer dans ma famille et je me réfugie chez un oncle qui habite dans la région parisienne. Ce n’est que quelques mois plus tard que je décide d’atteindre cette zone interdite et de rejoindre les miens. J’y parviens grâce au concours de deux cheminots qui me cachent à Langres dans un train en direction de Nancy. Ah, ce passage en fraude ! C’est pourtant bien peu de chose, mais c’est pour moi mon premier défi aux Allemands, défi qui va se transformer vite en une véritable résistance à l’ennemi avec la participation à l’action clandestine du Parti communiste, qui multiplie les diffusions de tracts et les inscriptions sur les murs appelant à ralentir et à saboter la production et dont les premiers groupes de francs-tireurs et partisans détruisent le transformateur de l’usine sidérurgique d’Auboué, coupent des lignes électriques et téléphoniques entre Batilly et Briey… En juillet 1942, une douzaine de mes camarades sont arrêtés et exécutés à Nancy. Le 20 août suivant, je tombe à mon tour dans les griffes de la Gestapo. Le lendemain, c’est mon frère. Au 1 er septembre, nous sommes une quarantaine à avoir été pris dans le coup de filet de la police allemande… »
Comme Jean Mélai voulant à tout prix retrouver sa terre natale lorraine, l’appel de la patrie pousse des prisonniers de guerre à s’évader des stalags et oflags allemands pour reprendre pied en France.
Louis Challier est capturé dans un combat inégal en mai 1940 sur le front des Ardennes, dès le début de l’offensive des armées de Guderian et de von Kleist. Il réussit à s’échapper de son stalag un an après et rejoint le réseau anglo-français Buckmaster. Le 20 avril 1943, par un de ces coups du sort dont l’Histoire est prodigue, c’est au « Café d’Angleterre », à Richelieu-Drouot à Paris, que le S. D. (service de sécurité nazi) l’arrête avec d’autres membres de son réseau.
Gaston Naud se souvient, lui, de « Dédé le Mataf » : « Un gars extraordinaire, prisonnier de guerre évadé à sa cinquième tentative qui faillit bien d’ailleurs échouer en Belgique. Il ne dut sa liberté qu’à la bagarre qu’il déclencha à l’arrivée de la police allemande dans l’estaminet où il s’était réfugié. Il gagne alors la France en zone libre mais, comme il dit, “il s’y ennuie”. Il revient donc dans sa famille à Sedan, et trouve à s’employer dans une teinturerie. C’est là que la Gestapo le cueille quelques mois plus tard. Ce n’était pas l’ancien prisonnier de guerre évadé que l’on arrêtait mais le combattant de la Résistance qu’il était vite devenu. »
Quelquefois, le passage du stalag au camp de concentration se fait beaucoup plus rapidement. Guy Acébès se rappelle, lui, d’avoir rencontré à Sachsenhausen un P. G. de son pays basque, arrêté au moment de la défaite de l’Italie mussolinienne. La censure avait ouvert une lettre dans laquelle il écrivait à sa famille : « Maintenant que les macaronis sont cuits, c’est au tour des haricots verts ! » Mais l’aventure de Roger Espitalié est encore plus extraordinaire…
Fait prisonnier le 20 juin 1940, à Lasalles dans les Vosges, avec toute sa compagnie du 96°B. C. P., il tente plusieurs fois de s’évader et réussit enfin à s’échapper, en avril 1943, du camp disciplinaire de Sankt-Hülferbruch, dans le Hanovre. En gare d’Essen, il repère un wagon à bestiaux avec une étiquette « Aachen » (Aix-la-Chapelle) et s’y glisse entre cinq vaches et un taurillon. Mais, alors qu’il croit rouler vers l’ouest, vers la France, le train l’emmène vers l’est. Profitant d’un arrêt, il redescend contrôler l’étiquette du wagon et découvre qu’Aachen est sa gare de départ, que sa véritable destination est Berlin. C’est un coup dur mais Roger Espitalié continue, car Berlin, grande ville, doit lui fournir plus d’occasions, pense-t-il, de retourner au pays.
La gare de triage berlinoise où il échoue en fin de soirée est cependant peu accueillante. Elle est perdue dans un quartier de halls et d’entrepôts. Roger Espitalié se désaltère et se lave dans les toilettes de wagons
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