Sachso
13, pas de changement, sauf le soir où il y a de nouveaux arrivages. Ce sont des gens de La Tronquière et de ses environs.
« Lundi 14, vers 10 heures, les hommes de la Gestapo font leur entrée. Il faut nous ranger cinq par cinq, au garde-à-vous. On nous compte, nous recompte. On établit des fiches d’après nos cartes d’identité. Mais ça ne va pas très vite, car nous sommes environ 1 200.
« Mardi 15, les interrogatoires reprennent dans une salle à côté du manège. Avec deux policiers, le traître qui a conduit les S. S. chez moi et chez d’autres me questionne. Les coups pleuvent. En vain. Après moi, d’autres camarades sont frappés, torturés.
« Le jeudi 17, nous sommes tous conduits au champ de tir devant les corps de quatre de nos compagnons qui ont été fusillés et baignent dans leur sang. On nous crie : “Celui qui ne parlera pas subira le même sort !” »
Dans le manège, l’attente se fait plus lourde. Gaston Despoux ne l’oublie pas : « Couchés à même le sol, près de la salle de torture, d’où nous parviennent les cris de nos camarades, nous, les “terroristes”, nous attendons l’aube pour savoir si le peloton d’exécution ne va pas venir chercher ses victimes. Quatre ont déjà été passés par les armes et nous avons dû défiler au pas de gymnastique devant les corps encore chauds, le sang coulant de leurs nuques… »
Mais la Gestapo n’obtient pas les résultats escomptés. Le samedi 19 mai, les prisonniers sont entassés à la gare de Montauban dans des wagons à bestiaux. Agen, Bordeaux, Nantes, Angers, Chartres, Paris, Compiègne… Les raflés de Figeac commencent leur long voyage. Ceux qui se sont battus et ont aidé les maquisards, ceux qui n’ont eu que la malchance de tomber dans le filet des nazis vont connaître les mêmes traitements inhumains des mêmes bourreaux. Beaucoup se retrouveront en juin 1944 dans le convoi des 84 000, ainsi appelé d’après la série des numéros matricules attribués à Sachsenhausen.
Dans leur chasse aux patriotes les nazis ne s’embarrassent évidemment pas de scrupules. Celui qui tombe sous leurs griffes, même sans raison, même par erreur, peut rarement s’en dégager. Ce qui aboutit parfois, à Sachsenhausen comme ailleurs, à des situations insolites dont Maurice Piat rapporte deux exemples : « Un jour, un gars se lamente auprès d’un copain : “Je suis là et je n’ai rien fait !” Excédé, le copain rétorque : “C’est bien fait pour toi. Tu n’avais qu’à faire quelque chose ; au moins tu saurais pourquoi tu es là !”
« Un autre répétait : “Je n’ai pas ma place ici, je suis déporté pour rien… J’habitais l’hôtel Fiat, 36, rue de Douai à Paris. Un soir, n’ayant plus de cigarettes, je descends en demander au veilleur de nuit. On cause cinq minutes quand la porte s’ouvre, un gars entre et dit : ‘Planquez-moi ! Les Boches me cherchent !’ Il vient à peine de terminer que les nazis entrent à leur tour, embarquent le gars, le veilleur de nuit et moi-même ! On se retrouve tous à la Gestapo. Le propriétaire de l’hôtel vient, fait relâcher son veilleur de nuit en disant qu’il n’y est pour rien. Mais il ne s’occupe pas de moi, qui n’y suis pour rien non plus. Et me voilà ici”… »
Gilbert Noailles se souvient de son côté : « Au fort du Hâ, au moment de partir pour Compiègne, je rencontre un camarade de mon pays : Sanguinet, dans les Landes. Marc Noailles est son nom, mais il n’y a aucun lien de parenté entre nous. Il avait disparu sans que personne sache comment, même pas sa famille. J’ai alors l’explication. Il a été arrêté dans le train, sans papiers d’identité. C’est pour cela qu’il a été jeté en prison et qu’il nous a suivis à Compiègne et à Sachsenhausen, où il est mort. »
D’autres non plus n’ont rien fait, mais ils savent pourquoi ils sont là : en otages parfois volontaires, tel Maurice Barré, de Nantes.
Maurice Barré est à son travail quand la Gestapo arrête sa femme qui laisse en garde ses deux fillettes à une voisine. Cette arrestation et celle de trois autres membres de sa famille ont été ordonnées parce qu’un de ses beaux-frères est recherché comme « terroriste ». Dès son retour du travail, Maurice Barré réussit à revoir sa femme, détenue comme otage. Elle sera relâchée et retrouvera ses deux fillettes s’il prend sa place. C’est ce qu’il
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