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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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de leur block que j’entends une fois s’élever une triste complainte chantée dans une langue étrangère. Ce chant, je le connais, je l’ai appris à des veillées de camping en forêt de Fontainebleau, mais il est chargé ici de sa véritable signification et vous pénètre jusqu’aux entrailles : c’est le “Chant des marais”. Quelle force d’évocation et quel choc ! Entendre cet air naguère repris en toute liberté avec mes camarades, et se trouver soi-même dans l’un de ces camps mornes et sauvages où les premiers esclaves du régime nazi lui ont donné vie dans la douleur et l’espoir !
    « Au début de la quarantaine, au petit matin, nos lits faits et refaits jusqu’à ce que la couverture posée sur la paillasse de fibre de bois soit parfaitement plane et recouvre à angle droit l’oreiller bourré lui aussi de fibre de bois, le personnel du block nous expulse et nous restons debout, alignés par cinq devant la baraque. Un jour, l’un de nous s’évanouit ; le chef de block, un triangle noir, se précipite sur lui et le remet sur pied d’une sévère correction. Suit l’inévitable discours sur les mérites comparés du sanatorium et du crématorium.
    « Très rapidement un travail nous est confié au block. Il consiste à dénuder des fils électriques pour récupérer le cuivre. Fréquemment alors, un S. S. déboule parmi nous et matraque les bavards ou ceux qu’il estime trop peu actifs. »
    Les séances de dépiautage de fils, qui semblent la corvée la plus habituelle dans les blocks de quarantaine, sont l’occasion pour les Français de confronter leurs premières observations. Léon Bronchart fulmine : « Ce qui m’horripile le plus, c’est d’apprendre que les S. S. font exécuter leur sinistre besogne par des détenus qui occupent les postes de Lagerältester (chefs de camp), de Lagerschutz (police du camp), de Blockältester (chefs de blocks), de sous-chefs de blocks, de Stubendienst, tous responsables devant eux. Jusqu’aux crématoires qui fonctionnent sous la direction de détenus ! »
    On se renseigne mutuellement sur la signification des brassards portés par ces détenus de l’administration du camp. LA 1 c’est le Lagerältester n°  1, le premier doyen chef de camp ; LA 2 et LA 3 sont ses adjoints ; BL sont les Blockältester, les chefs de block ; Vorarb désigne les Vorarbeiter, les contremaîtres pour le travail. Si le bourreau en chef ne porte qu’une seule lettre, Z, d’autres fonctions s’inscrivent en toutes lettres : Arzt (médecin) Schreiber (secrétaire) Ordnungsdienst (policier du camp) Stubendienst (garçon de block chargé de la distribution des rations et du maintien « de l’ordre et de la propreté » ). Au début de février 1943, les Français qui manœuvrent sur la place d’appel aperçoivent un brassard insolite «  Ehrenhäftling  » ; c’est un « prisonnier d’honneur » allemand qui jouit d’un traitement spécial, Martin Luther, ex-secrétaire d’état au ministère des affaires étrangères, nazi convaincu, mais qui a eu maille à partir avec les services de Himmler. Dans son rayé impeccable, il marche sans un regard vers les arrivants de Compiègne que les S. S. et leurs auxiliaires soumettent à un impitoyable conditionnement afin d’en faire à tout prix de parfaits Häftlinge. C’est le but de la quarantaine qui s’échelonne entre une dizaine et une vingtaine de jours.
    Ce dressage à la prussienne étonne Pierre Clément, tant par ses méthodes que par ses résultats : « Au bout de quinze jours, nous avons appris à marcher au pas, à tourner à droite, à gauche, par demi ou quart de tour. Nous enlevons nos bérets de la main droite au commandement “Mützen ab  !”, six cents détenus ôtent le bonnet de la main droite et le rabattent sur la jambe droite, dans un seul claquement. Nous savons qu’un chef de block a droit de vie ou de mort sur les détenus. Même les plus réfractaires aux langues étrangères apprennent en allemand leur numéro matricule ainsi que les grades des S. S. » Au block 38, Marcel Vallée fait double effort : « Lorsque nous sommes appelés par notre numéro, je dois savoir le mien mais aussi celui de mon camarade Moreau, qui est sourd et à qui j’évite ainsi de se faire matraquer. » Dans tous les baraquements, l’apprentissage s’effectue à grand renfort de brimades et Gaston Bernard n’y échappe pas : « Le moindre manquement est puni

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