Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
Vom Netzwerk:
par la faim, dérobe un jour le pain de son voisin. Nous nous en apercevons. Le dénoncer, c’est la schlague : dix coups, vingt peut-être ! Nous ne pouvons pas. Nous essayons de le remettre dans le bon chemin, de l’empêcher de descendre la pente fatale.
    « Je verrai toujours son visage ruisselant de larmes. Cochons de nazis, vous n’aurez pas assez de votre vie pour effacer ces larmes ! Quel affligeant spectacle que celui de l’homme qui tombe !
    « Combien en ai-je vu de ces camarades avec lesquels j’avais vécu des heures atroces à Compiègne lors de ces redoutables rendez-vous avec la mort, le vendredi, jour où l’on venait chercher les otages à fusiller, avec lesquels j’avais connu ce transport vers Sachsenhausen, puis la quarantaine, et qui, dans le camp, parce que la faim les torturait, se sont dégradés, ont sombré dans la servilité. Et pourtant ils auraient affronté courageusement le peloton d’exécution… »
    Les affres de la faim, qui parfois abolissent toute conscience chez certains, en conduisent d’autres, pour une bouchée passagère, à se défaire du dernier objet, de la dernière relique amenée de France, sauvée de toutes les fouilles et des vols.
    Au block 16, au printemps 1944, Pierre Mignon préserve avec toute la détermination de ses vingt ans la belle brosse à dents en poils de sanglier et à manche en os que ses parents lui ont donnée alors qu’il les quittait pour rejoindre la Résistance : « J’ai accompli un vrai tour de force en la gardant jusqu’à Sachsenhausen, ma belle brosse ! Elle a pour moi une valeur inestimable, car elle me rappelle mes parents. Cependant, un Français insiste pour que je la lui donne en échange d’un petit morceau de pain. Il me presse d’accepter. Je réfléchis longtemps à son offre… environ une semaine… puis un jour, la faim triomphe de ma volonté et je cède à sa demande quand il me montre une petite rondelle de pain grillé qu’il vient de recevoir. L’échange est vite fait. Mais le petit morceau de pain est vite avalé et quelle tristesse, ensuite, d’avoir perdu ce dernier souvenir de mes parents. »
    Pour d’autres, sous l’atroce et constante férule de la faim, l’esprit chavire ; manger est devenu sujet d’obsession ; la pensée est en permanence enclavée dans de chimériques festins et la conversation, fiévreuse, tourne et retourne autour d’invraisemblables recettes.
    Au block du père Saillier et de Boisson qu’il va voir de temps à autre, Marcel Couradeau rencontre avec eux l’économe du lycée de Poitiers : « “Mon vieux Couradeau, me dit-il, quand nous serons rentrés, je te ferai déguster du poulet au madère et tu m’en diras des nouvelles. Tiens, je vais t’en donner le secret. On attrape au poulailler un jeune poulet, bien à point. Tu me suis ? Tout vivant, on lui injecte dans les veines une dose de madère. On répète l’opération plusieurs jours de suite ; le sang diffuse l’alcool dans la chair de l’animal ; c’est alors qu’on l’exécute. Ah, mon vieux, à s’en lécher les doigts !” Tout à son rêve de nourriture, le malheureux ne voit pas qu’il en bave. Moi aussi, d’ailleurs. »
    Quelques-uns, bien qu’inexorablement détruits par la faim, lui opposent un étonnant mépris et paraissent l’ignorer, toute leur pensée tendue vers une autre obsession. Morel, un ouvrier banlieusard que Marcel Couradeau a connu à Compiègne, est de ceux-là : « Il a une passion : son pavillon et son jardin. Alors que certains, à Sachsenhausen, rêvent de vengeance ou de mangeaille, lui, ne pense qu’à sa petite maison et à ses fleurs. “À cette saison, m’explique-t-il, les anémones sont fleuries ; j’en ai une bordure autour du pavillon ; si tu voyais ce mariage de bleu et de rouge ! Mes glaïeuls sont plantés pour la floraison de fin d’été ; j’alterne le blanc, le violet, le jaune, le rose et le rouge. Quant aux campanules, j’en ai fait des corbeilles, tu verras ! Je te couperai un bouquet de giroflées. Quel coloris, quel parfum !”
    « Brave Morel, il est intarissable et c’est merveilleux de considérer, qu’ici, dans ce camp, un homme puisse encore parler de fleurs et les aimer. “Mes tulipes, mes tulipes…” Ses yeux se ferment, son esprit vagabonde ; il s’évade. Et puis, tout d’un coup, revenant à la tragique réalité, il ajoute : “C’est impossible que les S. S. aiment les fleurs.”
    « Morel

Weitere Kostenlose Bücher