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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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un comportement individuel que commence à se manifester la volonté des hommes de ne pas se laisser désagréger par la machine nazie, de s’opposer à la condition de bêtes où l’on entend les ravaler, de maintenir à l’esprit humain sa part de culture et au « moral » sa flamme d’espoir, en bref de « se nourrir l’âme ».
    Percer les silences ou les contradictions des discours et des communiqués officiels que les haut-parleurs du camp diffusent, lire entre les lignes de l ’Eco de Nancy journal collaborateur diffusé aux S. T. O. et dont certains numéros circulent sous le manteau malgré l’interdiction S. S., tout cela alimente des discussions. Quelques livres sauvés des fouilles circulent dans les blocks. Henry Brunninghausen de Harven hérite d’un petit classique scolaire de la collection Larousse avec des extraits du Génie du christianisme de Chateaubriand : Pierre Cayrol le lui a prêté. Durant un appel qui se prolonge, il le sort de sa poche et commence à lire, prudemment, caché au troisième rang : « Malgré les précautions de rigueur, le diable s’en mêle. Avant que j’aie pu voir paraître le représentant de l’ordre, une gifle retentissante me brûle la joue et Chateaubriand m’est arraché des mains.
    « Découvrant sur la page de garde le christianisme et son génie sous les traits d’une dame plantureuse, la croix sur l’épaule, protégeant les beaux-arts, le chef de block éclate en imprécations. Il prend l’œuvre pour un livre de prières et l’allégorie qui l’orne pour une représentation de la sainte Vierge ! Toutes les ordures du vocabulaire allemand y passent : les Scheisse (merde), les Arschloch (trou du cul), etc. La Vierge, le Christ et tous ses saints sont couverts d’immondices. L’Allemagne en a fini de ces conneries et la religion n’a rien à faire dans les camps…
    « Il ne se calme un peu qu’après avoir enfin compris qu’il ne s’agit que de littérature. J’en profite pour réclamer d’un air contrit ce livre qui ne m’appartient pas et auquel Cayrol attache du prix. Deux jours plus tard je rentre en possession du Génie et l’on ne retient contre moi que le délit d’une lecture dans les rangs. Je suis absous du crime d’obscurantisme ! »
    Les quelques moments de répit sont mis à profit par certains pour apprendre l’allemand ou le russe avec des détenus de ces nationalités auxquels ils inculquent, en contrepartie, les rudiments de notre langue. D’autres confectionnent et décorent des petites « boîtes à trésors », des fume-cigarettes, des couteaux, des minuscules carnets (où ils notent faits, adresses… ou recettes), des jeux d’échecs qui connaissent une grande vogue avec les Russes. Il y a des causeries, des cours. Mais c’est le dimanche après-midi, durant la pause hebdomadaire de principe, que l’activité propre des Français est la plus grande, à condition de n’être pas perturbée par des corvées ou des punitions de dernière heure.
    Les Français prennent l’initiative de réunions où l’on chante, joue des sketches, des saynètes. Eux qu’une fausse légende accuse de ne pas savoir chanter en chœur, ils gagnent l’estime des Allemands, des Russes, des Polonais et autres experts. Un air connu est parfois repris dans toutes les langues : « la Madelon », « Sous les ponts de Paris », « la Varsovienne », « l’Hymne de Riego »… Les chants interdits par les S. S. sont fredonnés en sourdine : « la Marseillaise », « l’internationale ».
    À Sachsenhausen et dans ses camps-annexes, un thème revient toujours, symbole de la patrie éloignée : un Tour de France en chansons. C’est le programme de la première assemblée, la première « fête », dit-on même, pour mieux conjurer le sort, qui a lieu au block 5 de Heinkel. Alex Le Bihan y assiste : « Au premier tableau représentant le Nord, deux joueurs d’harmonica, dont l’un est Robert Deprès, miment la remontée des mineurs et émergent de la scène sur l’air du “P’tit Quinquin”. Puis se succèdent des chanteurs ou des chœurs qui interprètent “Ma Normandie”, “la Paimpolaise”, “les Filles de La Rochelle”, “les Montagnards”, “les Pescadoux”, “les Allobroges”, “En passant par la Lorraine” et pour terminer, le clou : “Ça, c’est Paris”.
    « Les “Montagnards” ont un grand succès même auprès des étrangers. En raison sans doute de la

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